Cebula Jean-Claude - Placement familial
Le placement familial en pleine mutation ?
Evolution plus ancienne dans le secteur associatif, plus récente dans le secteur public. Jean-Claude Cébula (1) nous fait part des changements en cours dans le Placement Familial en France depuis quelques années.
Lien Social: Vous affirmez que le Placement Familial est en train de connaître actuellement sa révolution. Pouvez-vous expliquer en quoi ?
Jean-Claude Cébula: On est en train de prendre la dimension de ce que d’autres ont dit depuis un certain temps déjà, à savoir que le placement familial est un dispositif au service de l’usager faisant intervenir des assistantes maternelles et des équipes. Cette notion est au travail un peu plus qu’elle ne l’était il y a quelques années. Dans les Placements Familiaux Spécialisés (PFS), cela fonctionnait depuis des temps plus anciens. A l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), on commence à réaliser qu’il y a un outil de travail, l’accueil familial, parmi d’autres outils d’intervention, qui a une dynamique, des processus et des procédés qu’il faut utiliser. Ce dispositif ancien est en train de prendre de la valeur. Il n’y a pas si longtemps, on pensait qu’il suffisait d’avoir les meilleures assistantes maternelles pour que cela suffise à faire face au fait qu’un enfant se trouve déplacé entre deux familles. La révolution dont je parle consiste dans l’élaboration et la réflexion plus pertinentes à propos par exemple des modes d’intervention des travailleurs sociaux auprès des assistantes maternelles, des parents et des enfants. C’est une évolution très lente qui prend une forme différente selon les départements. Certains sont plus avancés, d’autres restent dans une logique plus ancienne. Mais, ça chemine.
Lien Social: Vous avez distingué le PFS de l’ASE en tant que principales Institutions s’occupant du Placement Familial en France.(2) Qu’est-ce qui les distingue fondamentalement dans leur pratique et leur théorie.
Jean-Claude Cébula: Les différences se situent à plusieurs niveaux: historiques, institutionnels, gestionnaires ... Le PFS est organisé autour de la prise en charge d’un enfant chez une assistante maternelle. L’ASE assure une mission d’aide et de protection en plaçant dans certaines circonstances des enfants chez les assistante maternelles. C’est peut-être pour cela que le PFS a toujours eu une élaboration importante des événements concernant l’accueil familial et s’est beaucoup interrogé sur le sens et les difficultés que prenaient les déplacements et placements d’enfants et tout le travail qu’il était nécessaire de faire dès lors qu’un enfant était confié à une assistante maternelle. Ce que l’ASE ne faisait pas ou différemment car ce n’était pas là sa première perspective. En fait, c’est davantage une différence d’organisation des dispositifs dont il s’agit car, en ce qui concerne les problématiques et les difficultés des enfants accueillis, les différences sont parfois peu perceptibles. La distinction s’opère parfois au niveau local. Ainsi, dans certains départements, des PFS peuvent avoir pris de l’ampleur et s’être suffisamment structurés dans des actions spécialisées pour s’occuper des populations à problèmes multiples. Il y a parfois une autre forme de placement que vous n’évoquez pas: l’Accueil Familial Thérapeutique qui a une dimension distincte des deux autres. L’assistante maternelle joue alors un rôle dans le processus traitant des enfants malades.
Lien Social: Entre la fonction hôtel-restaurant et l’appropriation proche d’une adoption non-officielle, quels sont les critères qui permettraient de garantir la juste fonction de l’assistante maternelle ?
Jean-Claude Cébula: C’est là une des questions essentielles qui se pose à l’accueil familial. L’éventail offert par les familles va de l’hébergement aux soins. Selon que l’on privilégie une dimension plutôt qu’une autre, on peut passer à côté d’événements intéressants pour l’éducation de l’enfant. Plutôt que de parler de juste fonction, je parlerais de juste place. La fonction des familles d’accueil définie comme l’assistante maternelle a toujours été difficile à définir: qu’est-ce donc que l’assistance maternelle et comment s’organise la suppléance parentale ? On peut décrire les relations adultes/enfant d’une façon très différente selon les interlocuteurs. La question de la place est plus intéressante. La loi nous donne des indications assez précises. L’assistante maternelle y est reconnue comme une professionnelle. Mais cela ne règle pas le champ des possibles. Les pratiques montrent que l’assistante maternelle peut être très loin du service qui lui a confié un mineur. Elle est alors, en fait, toute seule avec l’ enfant et la gestion de sa prise-en-charge. Dans d’autres dispositifs, elle est très proche, quasiment intégrée à l’équipe psycho-socio-éducative du service, associée même à un certain nombre de travaux voire d’actes tels les réunions de synthèse, par exemple. Aujourd’hui se pose la question de sa place comme travailleur social avec toute sa particularité qui fait la richesse de l’accueil familial.
(1) Directeur de l’IFREP (Institut de Formation de Recherche et d’Evaluation des Pratiques Médico-Sociales B.P. 358 75626 Paris Cédex 13) Jean-Claude Cébula a mené différentes recherches sur le placement familial, notamment en 1989 et 1992-1993. Il est aussi Directeur de publication d’un périodique « L’Accueil familial en revue » dont le premier numéro est sorti début Février 1996. Entre 1992 et 1994, une étude nationale a été organisée sur l’accueil familial de l’Aide Sociale à l’Enfance (cf. Article « A propos du Placement Familial en France »). L’IFREP assure des formations sur ces mêmes thèmes auprès des départements, des établissements hospitaliers et des institutions privées.
(2) L’Aide Sociale à l’Enfance relève depuis la décentralisation du Conseil Général. Elle prend en charge 86% à peu près des enfants placés. Le Placement Familial Thérapeutique et le Placement Familial Spécialisé, à caractère associatif sont les autres modes de l’accueil familial en France.
Propos recueillis par Jacques Trémintin
Janvier 1996 – Non paru