La famille d’accueil et l’enfant. Recherches sur les dimensions culturelles, institutionnelles et relationnelles du placement familial
JOIN-LAMBERT MILOVA Hélène (coordonné par), Ed. L’Harmattan, 2010, 178 p.
Le statut de famille d’accueil a connu une succession de réformes destinées à renforcer leur reconnaissance et leur professionnalisation, jusqu’à en faire un métier intégré à la galaxie des travailleurs sociaux. Les lois du 17 mai 1977, du 12 juillet 1992 et du 27 juin 2005 ont transformé la simple gardienne en assistante maternelle, puis en assistant(e) familial(e). Il ne s’agit pas là, seulement, d’une modification sémantique. L’expérience ayant montré que le placement ne résout pas les troubles initiaux vécus par l’enfant, pas plus qu’il n’évite les risques de leur reproduction, l’expérimentation sur le tas est apparue insuffisante. Aujourd’hui, la fonction de famille d’accueil nécessite 300 heures de formation obligatoire et la présentation au Diplôme d’État d’Assistant Familial. Ce métier est toutefois exonéré des règles de droit commun relatives à la durée légale du travail. S’il existe bien la possibilité de bénéficier de 22 jours de disponibilité, c’est quand même la continuité de la prise en charge qui est privilégiée. Se consacrant à l’éducation de 66.500 enfants et jeunes majeurs sur les 123.000 placés dans notre pays (soit 54 %), les familles d’accueil se situent au cœur de multiples paradoxes : au croisement de l’espace public et de l’espace privé, au carrefour de la logique institutionnelle et de la dynamique individuelle, à l’intersection entre une mission qui leur est confiée et une relation d’affection qui ne se commande pas. Elles sont d’authentiques familles, en ce qu’elles tissent des liens d’attachement, mais en même temps de fausses familles, en ce qu’elles sont rémunérées pour le faire. Le placement est l’occasion, pour elles, d’exercer un travail à domicile qui évite le chômage et les rapproche de leurs propres enfants. Mais, il est aussi source de sentiments et d’émotions entre des adultes et des enfants qui s’investissent mutuellement. L’ouvrage coordonné par Hélène Join-Lambert Milova décline une toute autre problématique du placement familial : celle de l’articulation entre parenté biologique et parenté sociale. Contrairement à une tradition qui prétend que les liens de filiation excluraient toute autre forme d’attachement, l’enfant est tout à fait capable de s’abreuver à plusieurs parentés. L’une et l’autre devraient se compléter et s’enrichir réciproquement, au lieu de se faire concurrence. A l’image des pratiques de fosterage que l’on retrouve chez les Bamilékées du Cameroun, où nombre d’enfants sont éduqués par d’autres parents que les leurs, leur appartenance aux deux familles étant facilitée par l’acceptation de la situation, de part et d’autre.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1024 ■ 30/06/2011