Enfants placés. Il était une fois un naufrage
VATON Marie, Éd. Flammarion, 2021, 279 p.
Marie Vaton a mené son enquête auprès des juges des enfants, des éducateurs, des assistants sociaux et des assistants familiaux travaillant en protection de l’enfance. Bien sûr, elle décrit des professionnels extraordinaires qui se consacrent pleinement à leur mission, ne comptant ni leur temps, ni leur énergie. Mais, elle dénonce tout autant les dérives, les violences institutionnelles et les abus de pouvoir qui s’y produisent. Même si on en trouve dans tous les secteurs, l’aggravation induite du vécu des enfants victimes n’en est pas moins encore plus insupportable. Mais le pire n’est pas encore là. Le constat dressé, après deux ans d’investigation, est implacable et accablant, sinon désespérant : sous-effectif chronique des intervenants ; allongement considérable des délais pour mettre en œuvre les mesures de protection ; charge de travail exponentielle ; tribunaux saturés ; enfants en danger maintenus à domicile ; conditions de travail produisant un turn-over incessant ; épuisement psychique des travailleurs sociaux ; démissions... Un secteur qui devrait recevoir toute l’attention de l’Etat est soumis à l’idéologie de la performance et à l’obsession des chiffres, des normes et des process, les raisons budgétaires primant sur l’humain. Pressurisé, étouffé et violenté, le dispositif dédié aux mineurs en difficulté prend l’eau de toute part, menaçant de couler avec son public.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1304 ■ 02/11/2021