De l’assistance à la solidarisation, un nouveau sens au travail social

Par un groupe de 13 assistantes sociales (dont un homme) et une puéricultrice de la Direction des Interventions Sanitaires et Sociales de Loire Atlantique,  l’Harmattan, 1994,  187 p.

Il est de coutume de dire que les  travailleurs sociaux ne savent pas écrire ni décrire leur pratique (ce qui nuirait à leur reconnaissance sociale). Voilà un ouvrage qui vient démentir avec talent une telle affirmation !

Mais attention, ce n’est pas là un de ces bouquins souffreteux, annonant ou laborieux qui fait vite regretter de l’avoir ouvert. Tout au contraire, on est étonné qu’une écriture à 14 aie pu donner un résultat aussi fluide et rafraîchissant. Le lecteur aura compris que la forme m’a séduit: pas de grands discours pédants ni de développements rasoirs, chaque partie étant équilibrée et agréable.  Qu’en est-il alors du fond ?

Le livre décrit la démarche originale et pour tout dire assez exemplaire d’un groupe de travailleuses sociales intervenant en polyvalence. Au départ, il y a en 1986, une session  de sensibilisation animée par Richard Rousseau sur  l’Intervention de Réseau.  S’engagent alors une dynamique d’auto-formation et une volonté de renouvellement de la  pratique à partir des nouveaux concepts présentés. Deux sessions d’approfondissement  s’ensuivent. Quatre années durant, soixante situations vont ainsi être retravaillées collectivement à la lumière de cette nouvelle méthodologie. Puis, c’est le voyage au  Québec, en octobre 1989, véritable  « retour aux sources ». 

Toutes ces étapes ont été franchies en accord avec l’Institution. De retour du Québec, une rencontre a lieu avec les conseillers généraux et les responsables de la DISS.  Le groupe réussit à convaincre les élus et leur direction quant au projet suivant: conceptualiser toutes les connaissances acquises et produire un document écrit avec l’aide d’un chercheur (ce sera un anthropologue). Voilà donc la genèse de ce livre qui décrit la véritable appropriation par des techniciennes de terrain d’une nouvelle méthodologie. Car, il ne s’agit pas ici de l’émergence  soit d’une nouvelle secte, soit de l’alignement sur une doctrine aussi innovante soit-elle. Les concepts ont  été confrontés à la réalité avant d’être adaptés et digérés.

Au-delà d’une théorie qui mérite qu’on s’y attarde, il y a là une aventure passionnante qui vaut vraiment le détour.         

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°324 ■ 19/10/1995