Les éducateurs spécialisés, naissance d’une profession. Le rôle de l’ANEJI (1947-1959)
BOUSSION Samuel, Ed. P.U.R., 2013, 337 p.
L’éducateur est né entre 1941 et 1945, dans les centres d’accueils et d’orientation créés par un régime de Vichy, préoccupé par le sort des 90.000 enfants et adolescents temporairement perdus, orphelins et/ou en errance. Les « moniteurs » d’alors vivent dans la précarité, selon des méthodes inspirées du scoutisme. C’est une quarantaine d’entre eux qui créent, en 1947, l’Association nationale des éducateurs de jeunes inadapté (A.N.E.J.I), sous le haut patronage du ministère. Cette proximité avec les sphères du pouvoir va perdurer longtemps. Cette association va constituer un véritable creuset où se construit la nouvelle profession, lui donnant une cohésion, une cohérence et une unité qui transcendent les particularismes. Elle définit clairement la distinction entre le rôle des instituteurs, celui des surveillants et la fonction rééducative. Elle contribue à unifier les salaires, en les alignant sur les traitements de l’Education surveillée (aujourd’hui PJJ). Même si ses membres sont pour la plupart imprégnés de catholicisme, l’ANEJI se définit comme apolitique et aconfessionnelle. Dès 1951, elle met au point un « fichier noir » qui répertorie les professionnels aux comportements indignes (pour des raisons de mœurs, de fautes éducatives ou de délits) et ceux ayant déjà échoué dans les pré-stages. L’ANEJI participera aux débats avec les écoles sur la formation professionnelle, préférant mesurer la culture et l’intelligence dans la vie de tous les jours plus que dans les épreuves théoriques. La professionnalisation, la signature de conventions collectives, la fin du paternalisme unifiant salariés et direction autour d’un même idéal au service de l’enfance malheureuse signeront la fin d’une institution qui refusera massivement de se transformer en syndicat tout en continuant à être dirigé majoritairement par des directeurs.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1164 ■ 28/05/2015