L’efficacité de l’action éducative à domicile. Le point de vue des usagers et des professionnels

RURKA Anne - éd. L’harmattan, 2008, 172 p.

Il existe un seuil critique dans l’accumulation des facteurs de risque qui menacent l’équilibre de l’enfant au sein de sa famille. Mais avant que n’intervienne son éventuel placement, une intervention éducative peut être mise en place pour tenter de le maintenir auprès de son réseau d’appartenance. Elle se déploie sous deux formes. La première est administrative et nécessite la signature d’un contrat entre la famille et le Conseil général : c’est l’action éducative d’aide à domicile qui est régie par le décret du 7 janvier 1959. La seconde est judiciaire et est décidée par le juge des enfants : c’est l’Aide éducative en milieu ouvert qui a été créée par le décret du 23 décembre 1958. En 2004, l’AEAD représentait 24% de l’ensemble des actions éducatives et l’AEMO 73%. Utilisant de nombreuses recherches réalisées depuis quelques années, Anna Rurka nous propose de mesurer l’efficacité de cette mesure, tant du point de vue des intervenants que de celui des bénéficiaires. Du côté des professionnels, la pertinence de l’action engagée est corrélée au nouveau paradigme de la promotion des usagers (développement de leurs potentialités et renforcement de leurs compétences) qui a remplacé le modèle passé de leur protection (assistance et dépendance aux institutions). Pour autant, l’auteur se risque à une analogie hardie avec le chaman de la société traditionnelle. Jusqu’à il y a peu de temps, la mission du mage et du prêtre était de voir dans l’invisible, afin de définir la faute, le péché qui avaient provoqué la souffrance et qu’il fallait donc éradiquer pour que la personne aille mieux. Aujourd’hui, l’éducateur est censé savoir ce qui se passe à l’intérieur des têtes et de la famille et répondre de façon adaptée à ses problèmes. C’est justement cette aptitude à induire le changement qui, pour les familles, fait l’efficacité de l’intervenant. Mais s’il favorise l’évolution de la situation, ce n’est pas dans n’importe quelles conditions. Encore faut-il qu’il agisse sans stigmatiser l’usager, en lui faisant confiance, en le stimulant et en l’encourageant. S’il doit être à l’écoute, il ne peut se contenter d’une attitude passive. Il lui faut tout autant apporter un système d’explications permettant de comprendre les difficultés et d’identifier les orientations susceptibles de les solutionner. Parmi les facteurs qui donnent un sentiment d’inefficacité, l’on compte les changements d’intervenant au cours de la mesure, la faible fréquence des visites, la discordance entre l’aide offerte et les besoins exprimés et enfin la qualité de la relation. Car au-delà des comportements professionnels idoines, c’est tout autant l’établissement de relations personnelles fortes qui vont déterminer le sentiment d’efficacité dans les représentations du travail accompli.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°924■ 09/04/2009