L’école mobile

Jean-Michel et Françoise KURC, Stock, 2001, 326p.

Depuis 1996, l’école mobile emmène chaque année 9 adolescents en grande difficulté, dans un périple de 10 mois à travers l’Afrique. Les époux Kurc, à l’origine de cette expérience, sont éducateurs de métier et travaillaient jusqu’alors dans une maison d’enfants, « les Brandons ». Ils ont commencé par organiser des convois humanitaires pour la Pologne. S’ils ont imaginé l’aventure africaine, c’est parce qu’ils aiment la trace et le voyage. Ils le reconnaissent eux-mêmes : ils ont une âme de nomade. L'équipée proposée rompt radicalement avec le confort occidental. Que ce soit la traversée en convoi, au Maroc, d’un étroit couloir de 1000 kilomètres, bordé de part et d’autre, de mines explosives ou bien les tracasseries multiples et répétées auxquelles les confrontent les autorités policières et douanières, à chaque traversée de frontière, que ce soit les crises de paludisme, les serpents ou les scorpions, mais aussi la confrontation à la misère, le contraste est saisissant. Si un jeune peut, en France, rechigner à faire quelques centaines de mètres pour aller à son travail, en Afrique, il faut parfois, pour s’approvisionner en eau, faire jusqu’à 20 kilomètres à pied, 10 litres sur la tête. « Tu te rends compte, disent les petits africains, à nos enfants : toi, tu voyages en 4X4 tout neuf, parce que tu as volé une mobylette et tu viens te promener en Afrique. Nous, on bouffe du tô, toute la journée. Et vous vous plaignez ! » (p.255) Tout au long du voyage, alternent des moments de mobilité intenses, des rencontres plus ou moins fugaces et des pauses permettant de s’installer dans la vie africaine. Ainsi de cette semaine passée à Oradora, maison d’enfants au Burkina Fasso, regroupant deux cents jeunes âgés de 6 à 18 ans. Le groupe d’adolescents français y vivra au même rythme que leurs pairs africains : cours, jardinage et nourriture à base de purée très épaisse, très collante constituée de mil, de blé ou de maïs, avec une sauce piquante et grasse (l’établissement disposant de 15 centimes d’€ par jour pour nourrir chacun de ses pensionnaires). C’est aussi des stages d’un mois organisés auprès d’artisans, de restaurateurs et même de pompiers. Les enfants sont suivis médicalement tout au long du séjour et rencontrent à plusieurs reprises un psychologue qui vient passer quelques jours avec eux. Ce vécu très riche et très fort est porteur pour des jeunes exclus, la plupart de temps, de partout et dont personne ne veut plus.  Mais, tout ce qui a été accumulé pendant ce voyage risque d’être réduit à néant, affirment les auteurs, si leur retour en France n’est pas préparé et s’il n’y a pas de mise à distance de leur milieu d’origine. Reste une pratique au quotidien bien décrite par le reportage de France 2 qui a choqué plus d’un professionnel. « Notre école n’a pas de technique, de méthodes à offrir. C’est une affaire très personnelle, presque totalement instinctive » (p.321) Et, c’est là, où, peut-être cette aventure pèche le plus.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°611 ■ 28/02/2002