Histoire d’un éducateur

LUCAS Christian, Éd. Yellow Concept, 2020, 207 p.

Il est dommage que peu de professionnels se risquent à témoigner de la clinique au quotidien, explique Christian Lucas. C’est justement ce qu’il a voulu faire, en transmettant l’aventure extraordinaire des « enfants au pays ». Travaillant tour à tour auprès d’enfants psychotiques et en aide éducative en milieu ouvert, il s’imprégna des savoirs-être qui constituent le cœur de sa profession : ne pas être là uniquement pour se réparer, se montrer capable de se remettre en cause, accepter de se sentir troublé et d’avoir le vertige face aux comportements énigmatiques et ne pas avoir tué l’enfant qui vit en soi. En 1978, le temps était venu de mener ce projet qui lui tenait tant à cœur : créer un lieu de vie, d’accueil et de soins prenant en charge l’autisme et la psychose d’enfants et d’adolescents. Il prit soin de préparer longuement son ouverture, en respectant un équilibre subtil entre les enfants sélectionnés à moins de cent kilomètres à la ronde (pour favoriser le lien avec les parents) et les habitants du village (sollicités pour accueillir les enfants en soirée et week-end ou les recevoir en stage), les éducateurs et les psys. Quatorze ans se passent. Le père fondateur décide de passer le relais. Pourtant, le succès et la reconnaissance sont au rendez-vous, avec une forte couverture médiatique et même une visite à l’Elysée. Mais, il craint avec le temps de devenir « une mère archaïque ». Et puis, comment demander aux parents de se séparer de leur enfant, si lui-même ne le fait pas avec son propre bébé ? Alors, il organise son départ. Aujourd’hui, l’institution existe toujours, avec les mêmes clinique et philosophie, les mêmes éthique et ancrage, mais incarnées par d’autres. L’auteur continuera son parcours, devenant formateur-médiateur et intervenant auprès d’institutions en crise.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1291 ■ 16/03/2021