L’éducateur spécialisé confronté à " l’incasabilité "

SANOGO Karim, Éd. L’Harmattan, 2020, 182 p.

« Le jeune n’est pas adapté à notre établissement » explique ce directeur, une autre préférant : « notre établissement n’est pas adapté à la problématique du jeune. » Comment expliquer qu’un secteur créé pour accueillir de jeunes inadaptés refuse ceux qui le sont ? Incasables, inclassables, situations complexes, jeunes en grande souffrance psychique sont ainsi renvoyés d’un lieu d’accueil ou de soin à un autre, comme des patates chaudes dont on se débarrasse. Et si, plutôt que de les stigmatiser, on considérait ces comme le symptôme de l’évolution récente de l’action sociale et de la profession d’éducateur spécialisé ? C’est ce que démontre l’auteur. Il pointe d’abord la crise de la psychiatrie, marquée par la fermeture de près de la moitié de ses lits depuis cinquante ans, sans que l’ouverture de services de jour ne soient venue compenser cette carence de soins. Résultat, les profils anaclitiques et psycho-autistiques ont basculé vers un secteur éducatif peu préparé à les accueillir. D’autant que l’ADN de l’éducateur spécialisé est en pleine mutation. Longtemps centré sur la création du lien et de l’accrochage, sur l’affectif et l’engagement, il est dorénavant tourné vers la maîtrise des outils juridiques et des procédures administratives. Focalisé sur le projet individualisé, le professionnel se détourne d’une relation éducative pourtant au cœur de l’accompagnement.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1295 ■ 11/05/2021