Les lieux de vie, des configurions sociales singulières »
BRUNIER Nicolas, Éd. L’Harmattan, 2021, 211 p.
Issus de la mouvance post-68 s’opposant à des institutions jugées enfermantes et totalitaires, les lieux de vie et d’accueil (LVA) ont fini par s’institutionnaliser, en réponse à la volonté de beaucoup d’entre eux de bénéficier d’une officialisation et d’une normalisation. C’est ce parcours que nous décrit Nicolas Brunier. Pendant quarante ans, s’inscrivant dans la continuité de l’antipsychiatrie, de la psychothérapie institutionnelle et de la psychanalyse, les LVA ne se contentèrent pas de leur marginalité mais la revendiquèrent, état de fait conforté par l’absence du moindre cadre légal. Progressivement, la circulaire Dufoix de 1983, puis les décrets de 2004, 2006 et 2013 ont intégré ces structures aux Etablissements sociaux et médico-sociaux définis par la loi de 2002, avec les obligations inhérentes (projet d’établissement, contrat de séjour, règlement de fonctionnement, livret d’accueil, conseil de vie sociale …). Soumis initialement à la procédure des appels d’offre instauré par la loi HPST en 2010, ils en seront exemptés à compter de 2014. La rationalisation imposée par les contrôles de gestion financières des conseils départementaux a toutefois modifié l’organisation quotidienne, contraignant à dédier parfois un quasi temps plein à la charge de travail comptable et administratif induite. Le vivre ensemble, fondement de la raison d’être s’en trouve délégué à des assistants. La visée émancipatrice du paradigme fondateur, qui n’en faisait pas seulement un outil, mais un modèle alternatif, s’estompe. L’auteur propose trois modèles de fonctionnement : les LVA communautaires restés fidèles à l’esprit des pionniers, les professionnalisés composés de permanents se relayant, sans vivre sur place et ceux constitués par d’anciennes familles d’accueil.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1323 ■ 20/09/2022