Protection de l’enfance. L’action de l’association Olga Spitzer
Michèle BECQUEMIN, érès, 2003, 256 p.
Le secteur social et médico-social est constellé d’associations qui pour n’avoir pas toutes traversé le siècle, loin s’en faut, sont les témoins vivants d’un parcours riche en expériences et en savoir-faire. L’association Olga Spitzer en est un exemple vivant. Elle a pris le nom de l’une des fondatrices et bienfaitrices (elle financera, selon les années, sur ses propres deniers, jusqu’à 60% des charges de fonctionnement) de ce qui s’appellera au début le service social de l’enfance en danger moral. La lecture de cette monographie permet de découvrir toute l’antériorité de ce que l’on pouvait imaginer, à tort, comme contemporain. L’institution qui compte aujourd’hui 12 structures, 870 salariés et qui prend en charge en moyenne 12.000 enfants par an, a commencé à fonctionner en 1923. La poignée d’assistantes sociales qui sont alors chargées d’effectuer des « enquêtes et des démarches dans l’intérêt des enfants délinquants ou difficiles » vont fonder les principes directeurs non seulement de la protection de l’enfance, mais aussi de ce qui sera officialisé en 1970 sous le nom d’aide éducative en milieu ouvert (et qui s’appelle alors « l’action éducative prolongée »). C’est en 1927 que, pour répondre au manque criant d’institutions susceptibles d’accueillir des mineurs, est acheté dans la région de Brunoy, un château qui va servir de centre d’accueil et d’orientation. Les progrès de la médecine et des sciences humaines ayant alors permis d’imputer la délinquance à des causes médico-sociales et non plus à de mauvaises dispositions individuelles, la nécessité de dépénaliser la criminalité juvénile et de suppléer aux défaillances familiales, s’imposera progressivement. L’action déterminée des professionnelles, très proches des magistrats, influencera des réformes législatives fondamentales. En 1935, 11 décrets-lois sont publiés qui viennent officialiser certaines pratiques. Celui, en date du 30 octobre, dispose qu’une mesure de surveillance ou d’assistance éducative peut être instaurée dès lors que la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation des enfants sont compromises ou insuffisamment sauvegardées (législation étonnamment proche de l’article 375 qui, lui, ne verra le jour qu’en 1958). Cette procédure vient remplacer la possibilité qu’avait le père de faire incarcérer son enfant au titre de son droit de correction paternelle. Les travailleurs sociaux engagés dans cette pratique seront longtemps des assistantes sociales, les premiers éducateurs recrutés étant affectés à des tâches d’accompagnement spécifiques des enfants (loisirs, soutien scolaire, animation …). Il est tout aussi étonnant de constater que certains débats qui nous occupent aujourd’hui semblent avoir toujours existé à l’image du double mouvement qui traverse l’association : l’un centré sur l’intérêt des familles et l’autre sur des droits individuels de l’enfant héritiers de la déclaration des droits de l’homme.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°732 ■ 02/12/2004