Comment protéger l’enfant? Protection, éducation, répression

Gilbert  DELAGRANGE, éditions Kathala, 2004, 250 p.

Gilbert Delagrange nous livre ici ses convictions sur un secteur qu’il connaît bien, puisqu’il a exercé comme Pédopsychiatre pendant 17 ans auprès d’une association de protection de l’enfance. Ainsi, de la méfiance exprimée à l’égard de la médiatisation des situations de maltraitance qui ne rend pas compte du difficile travail de terrain qui va du soupçon à la conviction. Il y a d’abord, dans la majorité des cas, la souffrance de l’enfant qui se manifeste à bas bruit. Il y a ensuite la posture des professionnels : « le désir de réparer l’enfant en souffrance sous-tendu par le fantasme d’être le bon parent anime un sentiment de toute puissance qui empêche de voir ses propre limites » (p.157) Il y a encore ce lien familial, autrefois considéré comme toxique, qui est devenu une valeur devant être respectée, aménagée et maintenue à tout prix … même au prix de la souffrance de l’enfant. Pourtant, il y a des parents ont besoin d’être protégés contre l’intolérance à l’égard de leur enfant. Certains comportements parentaux ont le don d’irriter l’auteur. Telles, ces mères qui prétendent élever leur enfant sans référence au père, au prétexte que celui-ci ayant été nocif pour elles, ne pourra que l’être à l’égard de l’enfant. Ces femmes ne déploient-elles pas parfois des stratégies pour choisir un géniteur qui n’occupera pas sa place de père ? Et quand celui-ci prétend néanmoins le faire, elles mobilisent une énergie considérable pour l’en empêcher. Ou encore ces parents agissant sur le seul registre maternel : écouter, faire attention aux choix de l’enfant, respecter son rythme. Si ces attitudes sont tout à fait légitimes, encore faut-il les équilibrer avec ce qui relève du registre paternel : contrainte, effort, respect des règles. «  A force d’écoute, de compréhension, d’empathie, d’aide et de désir de réparation, notre société ne sait plus dire non » (p.83). L’évolution des mœurs a permis de sortir l’enfant d’un excès de contraintes et de le protéger contre le sadisme éducatif. Mais il ne faut pas pour autant renoncer au devoir fondamental de lui donner des limites qui seules lui permettront de résister à sa violence intérieure : « l’épanouissement ne réside pas dans la satisfaction pulsionnelle brute, mais dans la maturité qui implique maîtrise de soi et responsabilisation à l’égard des autres » (p.73) Discours tout à fait pertinent qui reste entaché toutefois d’une paradoxale défense et illustration des bienfaits des châtiments corporels qui, selon l’auteur, ne relèveraient de la maltraitance que s’ils sont répétés, systématiques, intenses et source de jouissance pour son auteur ! Ne peut-on étendre cette règle aux claques données aux épouses et aux prisonniers qui seraient tolérables tant qu’elles ne seraient pas systématiques ? Si Gilbert Gelagrange reproche à juste titre à notre époque de fuir le conflit, il semble ignorer quant à lui sa possible gestion non violente.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°746  ■ 24/03/2005