Les trois pupilles de la nation

HERVOCHE Michel, Éd. Opéra, 2017, 290 p.

Il est des perles qui restent parfois ignorées. Le récit de Michel Hervoche en fait partie, lui qui nous décrit avec une précision d’orfèvre une enfance placée, dans les années 1950, sous l’autorité de l’Assistance publique. Même si certains épisodes semblent dignes de Charles Dickens, tous ne sont pas aussi indignes. Il va connaître autant des fermiers traitant les enfants accueillis comme des commis contraints à participer au travail agricole qu’une nourrice pauvre, mais juste. Si certaines familles récupèrent les vêtements neufs attribués aux pupilles pour leurs propres enfants, refusant de donner la même nourriture à ceux qui leur sont confiés, bien d’autres se montrent au contraire chaleureuses et bienveillantes, ne faisant aucune discrimination. Et lorsque l’auteur ose se plaindre à l’occasion de la visite médicale annuelle de l’Assistance, il se fait aussitôt traiter de menteur. On s’amuse de son maillot de bain tricoté en laine qui tombe sur les chevilles au premier plongeon. On frémit à l’évocation de sa mère, qu’il finit par retrouver, de ses vingt-trois grossesses et des viols que son beau-père fait subir régulièrement à ses demi-sœurs. On s’étonne de ce foyer de l’enfance aux dortoirs de quatorze lits, dix autres étant installés dans le couloir. S’y entassent des enfants porteurs de handicap, des orphelins, des têtes dures, des caïds, les moins indomptables étant placés en apprentissage. Michel Hervoche connaît un parcours chaotique, ses tentatives d’insertion étant minées par une enfance instable, carencée et sans repères. Ses délits routiers lui vaudront même une courte incarcération. Mais, il finira par retrouver son père et sa fratrie et rétablira un équilibre affectif familial et professionnel. Un livre incontournable à lire par plaisir et pour répondre au devoir de mémoire.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1275 ■ 09/06/2020