Le travail d’éducation au sein des lieux de vie de la protection de l’enfance et de la jeunesse
LABELLE Alexandre, Éd. L’Harmattan, 2021, 235 p.
Voilà une étude comparative entre la France et le Québec qui devrait surprendre plus d’un lecteur, tant nos cousins outre atlantique ont été si souvent valorisés pour leur modernité et leur efficience. En réalité, la protection de l’enfance de chacun des deux pays est aux antipodes. Si les professionnels de l’hexagone se centrent sur une relation interindividuelle avec l’enfant fondée sur la confiance, l’engagement, ainsi que des procédures adaptables et hétérogènes, leurs collègues québécois s’appuient sur des protocoles, des médiations et des programmes standardisés, évalués régulièrement par des universités. Si les premiers visent une émancipation du sujet, les seconds cherchent moins à moduler la personnalité de l’enfant, qu’à le réadapter à son environnement, en développant ses habiletés sociales. Si l’éducateur spécialisé français s’intéresse à la biographie du petit d’Homme et à sa prise de conscience des mécanismes inconscients, s’inspirant en cela de la psychanalyse, son confrère de la Belle Province s’abreuve au comportementalisme, à la systémie et au pragmatisme, approches dominantes en Amérique du nord. L’un cultive le « fait maison » aux contours flous et aléatoire, quand l’autre tente avant tout de réduire les incertitudes, en cherchant à traiter rapidement et efficacement les problématiques. Ce qui domine en France, c’est le maintien des liens de l’enfant séparé d’avec sa famille. Ce qui l’emporte au Québec c’est la création d’un lien d’attachement sécure, les parents ayant un court délai pour démontrer leurs compétences en la matière. Aucune de ces pratiques n’est pire ou meilleure, car chacune plonge ses racines dans des traditions institutionnelles et historiques, culturelles et sociales propres.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1311 ■ 15/02/2022