Une autre place pour les usagers? Intervenir dans le secteur médico-social
Laurent BARBE, La Découverte, 2006, 201 p.
La vie quotidienne d’un grand nombre de nos concitoyens se trouve rythmée par l’action sociale et médico-sociale : 24.500 établissements et 2.000 services, employant 400.000 salariés prennent en charge 1,2 million de personnes (dont 600.000 en internat). Une évolution s’est faite jour, ces dernières années, marquant une notable transformation des relations entre les professionnels et les usagers. Rien d’étonnant dans cette mutation qui apparaît cohérente avec le développement continu du droit des individus qui touche l’ensemble de la société : il y a une nette préférence moderne pour les obligations choisies que pour celles qui sont imposées. Nombre de démarches autoritaires banales hier encore, sont aujourd’hui devenues inacceptables. Depuis le rapport Bianco-Lamy critiquant pour la première fois, en 1980, la gestion sans aucun contre-pouvoir de l’administration jusqu’à la loi du 11 février 2005, en passant par la loi hospitalière du 4 mars 2003 et la loi du 2 janvier 2002, tous les textes vont dans le même sens : rééquilibrer les places de chaque partie, ainsi que leurs droits et devoirs respectifs. Mais notre pays possède une tradition paradoxale : faire appel massivement à la loi pour régler toutes sortes d’affaires, mais démontrer une aptitude étonnante à la contourner, l’adapter et l’ignorer quand ils s’agit de l’exécuter. L’application des nouvelles règles quant au droit des usagers, n’a pas échappé à cette constante. De nombreuses critiques ont fusé dans les milieux professionnels. Ainsi de la dénonciation des concessions faites à une logique consumériste, alors même que les usagers ne sont pas des clients. Ce ne sont pas eux qui rétribuent les institutions qui tirent leurs ressources des finances publiques. A considérer que la personne en demande d’aide doit bénéficier des mêmes garanties que lorsqu’elle s’adresse à une prestation commerciale, ne risque-t-on pas de marchandiser la relation, voire de la judiciariser ? Ces dérives possibles peuvent certes inquiéter. Mais, les acteurs qui rechignent à s’engager dans ces nouveaux comportements sont-il tout autant prêts à y renoncer quand ils sont en situation d’en bénéficier ? Les difficultés ainsi rencontrées doivent être perçues non comme des obstacles rédhibitoires, mais comme des contraintes à intégrer, à négocier, à éroder ou à contourner. Ces nouvelles dispositions sont finalement peut-être l’occasion pour les professionnels de se repositionner quant à la représentation de l’usager qu’ils ont en face d’eux. Est-il le simple objet de son intervention, sujet de droit, sujet politique, être social, figure fraternelle du prochain, chacune de ces figures étant tour à tour porteuses de possible, de limites et de mise en tension ? L’ouvrage de Laurent Barbe décline les savoir-faire à développer en matière de règles institutionnelles, d’association des usagers à leur projet et à la vie institutionnelle et d’évaluation.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°794 ■ 20/04/2006