Travail en réseau et territoires d’action
Cahiers de l’Actif, n°324/325, 2003, 230 p.
Qu’est-ce qu’un réseau ? Pour l’étymologie, c’est un piège, un ouvrage formé d’entrelacements destiné à capturer certains animaux ! Curieuse origine pour un terme que le monde moderne a utilisé pour désigner des circuits électriques ou téléphoniques qui permettent de relier les Hommes entre eux. En travail social, c’est une nouvelle méthodologie de travail issue de la confrontation aux nouvelles pathologies comme le Sida ou au développement de la grande pauvreté. Ces nouvelles problématiques ont considérablement brouillé les approches traditionnelles d’un appareil sanitaire et social devenu au fil des années de plus en plus spécialisé, complexe et indéchiffrable. Face à la dissolution des frontières professionnelles, il s’est avéré nécessaire d’adopter des démarches bien plus transversales. Et justement, le réseau n’a d’existence qu’en ce qu’il est le lieu de communication et de collaboration entre des acteurs hétérogènes. On se lie pour se compléter. On étudie les dysfonctionnements mais aussi les avancées, on met en commun les informations, on développe une culture commune. Le réseau, en tant qu’organisation formelle, échappe complètement au contrôle des différents services impliqués. Il dérange les liaisons hiérarchiques et le mode de management classique. Il s’oppose diamétralement au fonctionnement vertical, et s’appuie sur une logique horizontale. Il implique le rejet du centralisme. L’enrôlement dans ses rangs ne peut passer que par l’intéressement préalable et la persuasion qu’il y a un intérêt à y adhérer. C’est, avant tout, une structure ouverte fonctionnant sur la base du maillage qui unit ses composantes. Le réseau est marqué par deux caractéristiques : sa dimension largement informelle (il est appelé à disparaître en cas de non-activation des liens) et la labilité des relations (aucun engagement ne peut durablement lier les partenaires). Il se distingue du traditionnel travail d’équipe qui est trop souvent orienté vers l’élaboration d’une seule et unique représentation, chacun cherchant à convaincre l’autre de la validité de son point de vue pour le voir adopté comme position finale. Le réseau, quant à lui, est bien plus respectueux des positions de chacun. Il accepte les différences d’interprétation et permet à chacun de conserver la plénitude de ses missions et de ses légitimités, tout en lui permettant d’être compété par la spécificité que proposent respectivement les partenaires auxquels il s’articule. C’est pourquoi, le travail de réseau ne se décrète pas. Il peut juste être favorisé en soutenant ce qui s’est déjà mis en place spontanément ou en créant les conditions favorables à son émergence.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°712 ■ 10/06/2004