Des jardins en partage
PRÉDINE Eric, éditions Rue de l’échiquier, 2009, 94 p.
Qu’on les nomme parcelles individuelles ou collectives, jardins pédagogiques, familiaux, partagés, ou de week-end ou encore potagers vivriers, cultiver la terre est devenu une pratique recherchée. La première raison est à explorer du côté de la crise économique. Assurer son autoproduction, en cultivant ses légumes, est une réponse possible au renchérissement des denrées qui pèse de plus en plus dans le budget des plus pauvres. Si le potager peut permettre aux plus fragiles de résister à la précarité, il favorise tout autant une alimentation bien plus saine que celle qui nous est proposée par l’industrie agro-alimentaire. Il apporte donc la possibilité de modifier sa posture face à la vie : jardiner change la manière de se dépenser physiquement, de cuisiner, de consommer et de valoriser ses déchets. Mais, « le jardin partagé, c’est avant tout, des valeurs de solidarité et de générosité » (p.21). Ce lieu où les voisins se reconnaissent et nouent des liens de civilité constitue aussi un espace de détente tant pour le cadre surmené que pour le chômeur menacé de coupure d’électricité. Le lien social ne se décrète pas. Il peut néanmoins se pratiquer de façon informelle, dans des lieux apaisés qui favorisent la rencontre. L’ambiance de convivialité et de simplicité incite à flâner dans les allées et à aller à la rencontre de l’autre, y compris, en échangeant avec celui qui ne jardine pas, comme le montrent ces fêtes qui s’y donnent, ouvertes à tout le quartier. Celui qui nous parle ainsi avec tant de poésie, c’est Éric Prédine, co-fondateur de Salu Terre qui a conçu son premier jardin à Bordeaux, en 1987, et qui depuis ne cesse d’accompagner leur élaboration à travers toute la France. Les conditions pour que cela puisse se concrétiser ? Certainement un emplacement gorgé de soleil, une profusion de matière organique, de l’eau à proximité … Mais, surtout, une implication et une mobilisation jouissive des habitants, une concertation entre les élus, les candidats au jardinage et les techniciens des espaces verts au cours de laquelle chacun garde son rôle, ainsi que l’élaboration en commun d’un cadre qui définit le quoi, le pourquoi, le quand et le qui fait quoi et comment. Cette préparation garante du succès ultérieur prend le plus souvent entre un et deux ans. « Mon rôle consiste à faire émerger les désirs et à les rendre possibles » (p.66) explique Éric Prédine qui en appelle à mordre sur les pelouses inutiles, à conquérir les toitures plates et désertes, à gagner sur les voiries surdimensionnées et à développer les cultures hors-sol, afin de multiplier les opportunités de jardinage.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°972 ■ 06/05/2010