Engagez vous, qu’ils disaient. Histoire des services des droits des jeunes
WALFISZ Jean-Claude, Ed. Jeunesse et droit, 2011, 148 p.
Dans les années 60, la justice des mineurs reste en Belgique, comme dans beaucoup d’autres pays, très paternaliste. Les petits arrangements avec le droit sont légions. Ainsi, du détournement de cette disposition légale qui permet d’incarcérer un jeune durant quinze jours, s’il n’y a pas de solution alternative : pratique, quand on veut placer en détention des ados un peu trop remuants. Jeune assistant social auprès du Tribunal de la jeunesse, Jean-Pierre Bartholomé se rebelle contre tous ces abus de pouvoir. Informé d’une manipulation montée entre un juge et un procureur pour organiser concomitamment la sortie de prison et l’expulsion du territoire d’un jeune marocain, il participe à une véritable opération commando. Une dizaine de militants de la Ligue des droits d’homme s’allongent devant le véhicule pénitentiaire sortant de la maison d’arrêt. Et pendant que trois avocats surgissent des buissons, en brandissant l’ordonnance de libération, il embarque le jeune dans sa voiture pour aller le mettre à l’abri. Le tout filmé par les cameras de la télévision nationale. Un destin était né : celui d’un empêcheur de penser en rond. Celui, que l’on n’appellera plus que par son diminutif « Bartho », va créer le premier de ces Services des droits des jeunes qui n’hésiteront pas, pour défendre les usagers contre l’arbitraire, à mettre en cause les pratiques des services sociaux et des juges des enfants. Dénicher les failles juridiques permettant de réformer les décisions administratives et judiciaires, imposer la modification de quelques lois et règlements critiquables, telle est la quête de ces services atypiques. Leur plus grande fierté reste, quand même, d’avoir réussi à faire condamner l’État Belge devant la Cour européenne des droits de l’homme, alors que c’est ce même État qui les finance ! Les intervenants des SDJ ne se sont pas fait beaucoup d’amis : bien des directeurs d’école, des présidents de CPAS (l’équivalent des CCAS), des juges de la jeunesse, des fonctionnaires communaux, des attachés ministériels les auraient bien pendus haut et court, s’ils en avaient eu le pouvoir. Et puis, les différentes institutions ont fini par composer avec eux, quand le sérieux de leurs interventions a pu être démontré. Comprenant qu’elles pouvaient être traînées en justice, elles sont dorénavant bien plus prudentes, revoyant leurs règlements et leurs procédures, modulant leurs réponses, pour les mettre en cohérence avec le droit. Jean-Claude Walfisz décrit, dans son ouvrage, l’itinéraire de la plupart des acteurs de cette aventure hors du commun. Après trente années d’existence, les SDJ ne se sont pas assagi et ne sont pas rentrés dans les rangs. Ils sont toujours verts, continuant, loin des certitudes, à cultiver les questionnements.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1026-1027 ■ 14/07/2011