Éducation et démocratie. L’expérience des républiques d’enfants
AVET Romuald et MIALET Michèle, Ed. Champ Social, 2012, 158 p.
« Il n’y a plus de discipline à l’école » , tel est le refrain dont on nous rebat les oreilles. Pourtant, ce n’est pas tant l’autorité qui est en faillite, que l’autoritarisme dominateur. Ce n’est pas tant l’obéissance qui est en cause, que le pouvoir arbitraire. Ce n’est pas tant la contrainte qui pose difficulté que l’injonction par la soumission. Depuis que le sujet du roi est devenu citoyen, l’autorité doit être légitime, l’obéissance doit être librement consentie et la contrainte doit s’appuyer sur une justification rationnelle. L’ouvrage que consacrent Romuald Avet et Michèle Mialet aux expériences de républiques d’enfants vient à point nommé, pour interroger l’hégémonie qu’exercent nos sociétés à l’égard des plus jeunes de leurs membres. Il est, quand même, paradoxal d’apprendre aux enfants le processus démocratique consistant à ce que chaque citoyen puisse participer aux affaires de la cité, alors qu’eux mêmes ne sont pas associés à celles qui les concernent directement. L’école, tout comme les institutions d’éducation spécialisée, leur dénient toute existence en tant qu’être social et acteur de leur vie. Un peu comme s’il leur fallait attendre l’âge adulte, pour accéder à la citoyenneté. Les communautés qui fonctionnent sur un principe autogestionnaire, corrigent cette injustice, en donnant la possibilité aux enfants de contribuer à l’administration de l’institution où ils vivent. Et cela change tout, car apprendre à décider soi-même et avec les autres, ce n’est pas la même chose que de confer aux seuls adultes le pouvoir d’organiser la vie sociale. Trois constantes traversent ces républiques d’enfants. C’est d’abord le statut de citoyen accordé à l’enfant, au même titre que l’adulte, l’un et l’autre étant alors en situation d’égalité. Ce sont, ensuite, des instances de démocratie délibérative décidant de l’organisation fonctionnelle de la vie institutionnelle : assemblée générale, tribunaux constitués d’enfants chargés de juger les transgressions, décisions prises par vote, réunion débat, etc. C’est, enfin, la substitution de l’obéissance contrainte à l’adulte, par la libre obéissance aux règles collégiales adoptées démocratiquement. Les auteurs décrivent six de ces communautés auto organisées, avec en premier, celles fondées en 1912 et 1919, par Janus Korzcak, à Varsovie. Mais, d’autres expériences ont eu lieu un peu partout en Europe : Little Commonwealth, une maison de correction ouverte en 1912 en Angleterre, la célèbre école de Summerhill, le château de la Guette accueillant des enfants juifs allemands fuyant le nazisme, le Moulin Vieux regroupant des enfants de réfugiés espagnols et l’étonnante république des Muchachos en pleine Espagne franquiste qui essaimera en Amérique du Sud.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1054 ■ 15/03/2012