Peut-on vraiment se passer du secret? L’illusion de la transparence
BEN SOUSSAN Patrick et GORI Romand (sous la direction), Ed. érès, 2015, 198 p.
Le secret professionnel désigne-t-il le silence et la réserve, la discrétion et l’intime ou bien au contraire l’opaque et le caché, le clandestin et la dissimulation ? Ils sont une douzaine de psychologues, psychanalystes, philosophes, praticiens hospitaliers et magistrat à répondre à cette question, en articulant cette pratique autour du paradoxe qui la fonde, le droit de cacher s’opposant au droit de savoir. Car, chacun craint à la fois que l’on révèle une information confidentielle le concernant et qu’on lui en cache une autre dont il s’estime légitime d’avoir connaissance. Tenir un secret, n’est-ce pas confisquer une donnée dont un tiers est privé de façon arbitraire et illégitime ? Mais, n’est-il pas encore plus tyrannique de prétendre, au nom de la prévention et du dépistage, diriger les comportements des individus dans les moindres replis de leur existence ? A l’éthique qui consiste à ne jamais violer cette humanité liée à l’intimité présente au plus profond de chacun(e) d’entre nous s’oppose donc l’exigence de transparence générale et absolue. Après avoir remanié six fois sa définition le philosophe Pierre Le Coz en arrive à défendre que « le secret est la possession de ce quoi est ressenti par le détenteur comme une vérité énonçable à la connaissance de laquelle il désire que le plus grand nombre de personnes chez lesquelles elle produirait un retentissement contraire à ses attentes et à ses intérêts ne puissent accéder » (p.29). Pour autant, ni le secret, ni la diffusion de l’information n’ont de valeur prioritaire en eux-mêmes : c’est en fonction d’autres valeurs que nous devrions agir. En comparant, par exemple, le mal respectif que pourrait provoquer la non divulgation ou la révélation de l’information. Ce que ne permet pas aujourd’hui la loi qui n’autorise pas une telle subjectivité.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1186 ■ 26/05/2016