Le travail social en mouvement. De la crise à l’innovation
BOISSEAU Suzanne (coordonné par), Éd. L’Harmattan, 2023, 205 p.
Les seize auteur(e)s ayant contribué ce livre montrent une fois de plus combien les professionnels de l’action sociale se montrent réactifs. Leur témoignage ne relève ni d’un guide de bonne pratique, ni d’un livre de recettes, mais du partage d’un savoir expérientiel.L’une des illustrations les plus éclairantes est sans doute l’adaptation au confinement récent. La Covid a contraint les équipes à revoir leurs pratiques et leurs positionnements. Des modes de communication jusque-là peu utilisés ont permis à la voix, à l’image et à l’écrit de circuler. Vidéo, photos, enregistrements audio, visios … autant d’outils numériques devenus familiers.
En 2020, la Conférence nationale du handicap décide de mettre fin à la migration des publics déficients vers la Belgique, 8 233 français y séjournant déjà. Le dispositif institutionnel se mobilise, ayant recours à des réponses alternatives : habitat inclusif, unités externalisées, équipes mobiles.
Le travail social a su se diversifier. Travailleurs sociaux en libéral, référent de parcours de réussite éducative, hôtes de passion, référent démarche qualité expliquent dans ce livre comment ils se sont adaptés aux évolutions sociétales, ont inventé leur modèle et cherché leur place aux côtés des fonctions plus traditionnelles.
Un vent mauvais souffle sur le secteur. Evaluation interne et externe, démarche qualité, contrats pluri annuels d’objectifs et de moyens … Ces outils sont au service d’une rationalisation qui standardise, uniformise et morcelle l’accompagnement. Ils sont l’expression d’une vision managériale fondée sur les seuls résultats quantitatifs
La résistance s’organise et la quête de marge de manœuvre est à l’œuvre. Bien des principes se doivent d’être préservés et promus, au risque de voir le travailleur social être réduit à la seule fonction de producteur de résultats tangibles et comptables. L’ouvrage s’en fait l’écho.
Le premier d’entre eux est induit par la mutation du pouvoir d’agir. La co-construction des solutions d’accompagnement avec la personne et sa famille s’impose progressivement comme le nouveau paradigme dominant. L’usager n’est plus seulement un problème, il devient la solution. Pair-aidance, usagers experts, participation sont les prismes par lesquels l’horizontalité se substitue à la verticalité.
C’est la temporalité du sujet qui doit s’imposer. Le « chronos »de l’institution impose un temps linéaire objectivable et mesurable. Le « kairos » de l’usager privilégie l’opportunité à saisir, le moment adéquat, l’occasion propice permettant d’ajuster l’accompagnement.
La vulnérabilité de la personne lui est toujours spécifique. Immaturité, carence de l’entourage, inadéquation des institutions, fragilité identitaire … Chacune doit être identifiée dans sa singularité et trouver une réponse actionnée par les leviers adéquats.
Le bricolage est dans l’ADN du travailleur social. Habileté et ingéniosité se tricotent dans les interstices de ces moments en apparence perdus et pourtant si féconds. Ce qui compte, ce ne sont pas tant dans les résultats obtenus que le processus y menant.
L’autorité ne saurait se confondre avec faire autorité. Dans la continuité l’institution n’est pas la même chose que faire institution, chacun y trouvant sa place de sujet. Ce qui passe au quotidien par des relations non jugeantes ou stigmatisantes, mais étayantes et soignantes, émancipatrices et humanisantes.