Une vie à crédit. Ethnographie avant basculement des mondes

Tome 1 : Immersion (189 p.) Tome 2 : au cœur du monde (193 p.) Tome 3 : le virage du monde » (204 p.)

LE REST Pascal, Ed. L’Harmattan, 2017

En 586 pages, Pascal le Rest nous dresse un étonnant portrait. Rares sont les écrivains en capacité de donner autant de détails aussi précis sur des évènements remontant trente ans en arrière. Et pour cause, il leur manque les 3.000 pages noircies alors, retraçant par le menu le quotidien, que l’auteur a compilées en se disant qu’un jour, il en ferait sûrement quelque chose. Dans le déroulement des épisodes situés entre ses 24 et 28 ans, Pascal le Rest ne s’épargne guère. Il n’a pas toujours le beau rôle. Loin de là. Avec honnêteté, il retrace les étapes par lesquelles il est passé. Une vie à cérditLLui qui se rêvait grand écrivain, il n’avait toujours publié qu’un malheureux recueil de poèmes et obtenu un prix national de poésie. Son écriture restait grasse, épaisse et cotonneuse. Ses contacts avec les éditeurs le douchèrent quand l’un d’entre eux lui demanda brutalement : « vous pesez combien en capacité de vente ? ». Maître auxiliaire, il va vivre d’éprouvantes épreuves auprès d’élèves en échec scolaire ou orientés par défaut dans des filières technologiques cul-de-sac. Alternant une fonction de flic et d’éducateur, il entrera plusieurs fois en conflit physique avec certains d’entre eux. Il tente le concours pour être titularisé. Mais il quitte la salle d’examen en plein milieu de l’épreuve. C’est qu’il se trouve alors en pleine crise existentielle : il a désespérément besoin de cultiver ses rêves et de croire que d’autres sont prêts à vivre les leurs, eux aussi. La vie filait et le temps était comme une poignée de sable qui glisse entre les doigts. Ne pas se projeter et dilapider au jour le jour son énergie aux quatre vents comme une torche, à plein régime, dans la fureur et du feu dans les veines. C’est la période où il s’empiffre de vie, goulûment, ne renonçant à aucun excès : trente cigarettes et vingt cafés par jour, de l’alcool à profusion. Puis, vint une autre démesure : le sport qu’il se mit à pratiquer à cent à l’heure, devenant une machine physique redoutable. A côté des épreuves vécues, Pascal Le Rest évoque ses passions (sa pratique de la pétanque), sa vie de couple (sa répugnance aux tâches ménagères) et nous entraîne dans ses voyages (en Grèce, Hongrie, Espagne, Turquie…). En décrivant une époque à travers une destinée, cet écrit dérange (par l’irruption affichée dans l’intimité de l’auteur), fascine (par la genèse d’une personnalité connue et reconnue) et étonne (par la présentation d’un univers aux accents parfois très contemporains).

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1238 ■ 01/11/2018