Le frisson de l’émeute. Violences urbaines et banlieues

 Sebastian ROCHE, Seuil, 2006, 228 p.

En opposition avec le modèle de la police de proximité Nicolas Sarkozy conçoit une police réactive, susceptible de réagir plutôt que d’anticiper, d’interpeller les délinquants plutôt que de prévenir les conditions de leurs actes. Les émeutes de 2005 signèrent la faillite de  sa stratégie. Avant qu’elles ne se déclenchent, personne ne vit rien venir, les autorités ayant négligé ou cassé les instruments leur permettant d’avoir une visibilité sur ce qui se déroule. Après leur extinction, alors que jamais on n’avait interpellé autant d’auteurs en même temps, on dut faire face à une augmentation de 20% du nombre de voitures brûlées lors de la Saint Sylvestre suivante. Sebastian Roché ne se contente pas de réduire à néant les rodomontades du ci-devant ministre de l’intérieur. Il nous propose une analyse précise et détaillée de ces évènements, en commençant par éliminer les explications faciles et réductrices. Nicolas Sarkozy, incendiaire des banlieues ? Ses réflexions sur le « Kärcher » datent de juin, les émeutes éclatant en octobre. Ses nouveaux propos provocateurs interviennent le 10 novembre et ne retarderont pas leur déclin. Une instrumentalisation par des bandes organisées ? Celles-ci ont tout à perdre à ces désordres et au déploiement des forces de l’ordre, ce qui ne peut que gêner leurs trafics quotidiens. Une manipulation par des groupes islamistes ? On ne peut que constater la faiblesse de la structuration idéologique du mouvement. L’expression de la montée des inégalités et de la pauvreté ? Il n’y a jamais eu de corrélation automatique entre la misère et le degré de révolte. En Europe ce ne sont ni les Etats bénéficiant d’une couverture sociale forte (Scandinavie) ni ceux qui en ont une particulièrement faible (Espagne ou Portugal) qui sont le théâtre de tels évènements. Une épidémie provoquée par un élément déclencheur ? Attention à l’analyse rétrospective : il arrive que des incidents graves ne provoquent pas de crise et qu’une crise survienne sans qu’elle ne soit devancée par le moindre incident. Une forme de lutte politique ou sociale ? Drôle de combat dont la cible n’est pas le pouvoir, mais les véhicules de voisins guère mieux lotis que les incendiaires ! Quelles peuvent être alors les explications de ces émeutes ? L’auteur propose un tableau qui ne privilégie pas un facteur sur un autre mais et ne peut se comprendre que dans une approche globale et convergente. La concentration de jeunes et plus particulièrement de jeunes issus des minorités plus que tout autre stigmatisés par une police exécrée constitue un terreau particulièrement favorable à l’explosion. Une émotion initiale suivie par des affrontements intenses est d’autant plus propice à son extension que les autorités tardent à réagir. On est là dans le registre des charivaris et carnavals du moyen âge au cours desquels la règle sociale était suspendue et qui mettaient en jeu le plaisir et la stimulation que provoquent la confrontation au risque et le sentiment de faire peur. Mais qu’importe : « essayer de comprendre, c’est déjà excuser » a affirmé Nicolas Sarkozy.

 

Jacques Trémintin -  LIEN SOCIAL ■ n°817 ■ 16/11/2006