Le choc des préjugés. L’impasse des postures sécuritaires et victimaires
Caroline FOUREST, Calmann-Levy, 2007, 241 p.
S’il est une question propice aux caricatures, anathèmes et mauvaise foi de toutes sortes, c’est bien celle des banlieues et de l’immigration. L’ambition de Caroline Fourest consiste justement dans ce livre, à réagir à cette montagne de préjugés, en apportant des réponses qui se veulent sereines tout autant que documentées. Les sujets qu’elle aborde sont récurrents. Les émeutes de 2005 étaient-elles liées à la misère ? Le fait qu’elles soient sporadiques confirme que l’exclusion économique et sociale ne peut être vue comme un déterminisme automatique, preuve d’une certaine résignation des exclus. Etaient-elles noyautées par des trafiquants et les dealers ? Les quartiers où ces derniers règnent en maîtres ont au contraire été épargnés, car ils n’avaient aucun intérêt à voir leur territoire envahi par les forces de l’ordre. Y a-t-il eu, à cette occasion, instrumentalisation islamique ? Ce n’est pas tant en amont qu’il faut rechercher une influence intégriste mais en aval, l’incapacité de la société française à répondre aux discriminations ne pouvant qu’accroître leur audience. Y a-t-il un danger d’islamisation ? Il importe de rappeler un certain nombre de distinguos qui s’appliquent pour la religion catholique, protestante ou juive, mais qu’on oublie trop souvent, quand on évoque celle de Mahomet. Un Français de culture musulmane n’est pas forcément croyant. Un musulman croyant n’est pas forcément pratiquant. Un pratiquant n’est pas forcément intégriste. Un intégriste n’est pas forcément terroriste. Arrêtons donc d’entretenir l’amalgame essentialiste qui voudrait que toute attirance islamique déboucherait forcément sur la tentation extrémiste. Sur les 3 à 3, 5 millions de musulmans, seuls 5 à 10.000 personnes seraient tentées par les actes terroristes. Les immigrés d’origine maghrébine sont trop fermés sur eux-mêmes pour s’intégrer ? Le taux de mariage mixte dans cette population est incommensurablement bien plus important que celui d’une communauté asiatique largement refermée sur elle-même, qui pourtant n’est pas perçue comme posant de problèmes majeurs. Les prisons sont pleines de noirs et d’arabes ? Ce ne sont pas des gènes mais de cruels mécanismes économiques et sociaux qui expliquent pourquoi les Français d’origine arabe ou noirs y sont surreprésentés. Mais les préjugés ne sont pas là que pour justifier les discriminations. Il y en a tout autant pour enfermer dans la victimisation. Non, la France n’est pas un pays raciste, ni dans sa tradition, ni dans ses lois. Une législation existe pour combattre une telle attitude qui est le lot d’un certain nombre de citoyens. Des condamnations sont régulièrement prononcées. Pas suffisamment peut-être. Mais elles ont l’avantage d’exister, ce qui n’est pas le cas par exemple au Maroc, où le racisme contre les noirs est banalisé et jamais sanctionné. Non, les garçons des banlieues ne sont pas, injustement stigmatisés, quand on reproche à certain d’entre eux, leur sexisme et leur homophobie. Les discriminations ne peuvent être ignorées, au prétexte que leurs auteurs seraient eux-mêmes discriminés. L’islamophobie serait partout ? La religion musulmane doit pouvoir être raillée, moquée et caricaturée comme n’importe quelle autre croyance. Aux amalgames des uns ne doivent pas répondre les amalgames des autres.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°854 ■ 27/09/2007