Y a-t-il une psychopathologie des banlieues?
Jean-Jacques Rassial et all, érès, 114 p. 1999
Y a-t-il une relation entre le mode de fonctionnement des banlieues et une certaine forme de psychopathologie ? Une brochette de psy… nous proposent ici des réponses tout à fait pertinentes à cette question quelque peu provocante.
Première hypothèse, la disparition de la place du père provoquerait l’émergence d’une horde fraternelle s’exprimant tant sous la forme du fondamentalisme que des gangs. Seule la triangulation permet, en effet, que se concrétisent les processus de sublimation (objet ayant le pouvoir de représentation libidinale) et d’idéalisation (figure parentale proposant un idéal du moi) indispensables à l’épanouissement du jeune adulte. En son absence, il se développe un mécanisme potentiellement pathogène.
Seconde hypothèse, le type d’habitat aux marges de la ville qui peut parfois être profondément stigmatisé provoquerait un dysfonctionnement paranoïaque. Les adolescents réagissant dans une violence narcissique au prétexte qu’ils se sont sentis non-respectés par le regard de l’autre. « Vivre pour eux, c’est exister dans le regard de l’autre, dans la reconnaissance par l’autre » (p.40)
Troisième hypothèse, les traumatismes cumulatifs qui viendraient désorganiser la symbolisation primaire : maternage inadapté, séparation précoce, réactivité aux humeurs de la mère déséquilibrant l’intégration des pulsions agressives … « Il arrive que ces adolescents aient été confrontés à des expériences, des vécus, des éprouvés qui ont laissé des traces essentielles sans qu’ils n’aient jamais pu les symboliser, sans qu’ils soient arrivés à leur donner une représentation (…) Cela leur est arrivé sans qu’ils puissent rien faire et les a laissé souffrants et sidérés » (p.45)
Autre proposition, celle qui explique la mobilisation des défenses « utilisées à contourner les violences, à combler les ‘’absences’’ de repères sociaux et culturels, à lutter contre les risques de disqualification et d’atteinte de l’identité sociale » (p.65) toute l’énergie ainsi dépensée n’étant pas mise au service de la construction d’un projet de vie personnel.
Le jeune n’est pas en capacité d’élaborer tout seul face à ces différentes situations. Son moi est trop faible, trop peu développé. Sa seule issue pour se mettre à l’abri, c’est le clivage qui lui permet de se retirer de l’expérience traumatisante subie. Tous ses efforts sont alors concentrés vers l’élimination des ressentis qui le désorganisent en permanence. Quand la thérapie peut intervenir, c’est dans une action de réappropriation de leur histoire passée et de symbolisation de leur vécu.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°485 ■ 06/05/1999