Quand les banlieues brûlent. Retour sur les émeutes de novembre 2005

Sous la direction de Véronique LE GOAZIOU et Laurent MUCCHIELLI, 2006, 160 p.

Les émeutes qui ont commencé en novembre 2005 à Aulnay Sous Bois, puis qui se sont étendues en quelques jours à l’ensemble de la région parisienne, avant de se généraliser à tout le territoire national ont explosé tous les records de durée (trois semaines), d’étendue géographique (280 communes concernées), de dégâts matériels (10.000 voitures et 30.000 poubelles brûlées…), de coût financier (évalué à 200 millions d’€uros dont 20% pour les particuliers et 80% pour les collectivités), de mobilisation policière (11.500 policiers et gendarmes sur le terrain) et de répression judiciaire (5.200 interpellations et 800 mises sous écrou). Notons toutefois que ces affrontements ont causé peu de blessés, la stratégie adoptée par les petits groupes d’émeutiers étant très mobiles. A quelques encablures de ces évènements, il était intéressant de porter un regard distancié. Ce que fait ce petit opuscule précis et incisif. Certes, l’histoire de France a été rythmée par des soulèvements populaires. Mais, de la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1990, une accalmie semblait s’être instaurée, les contestations sociales s’étant montrées de plus en plus rares. Depuis un quart de siècle, notre pays connaît un renouveau d’une violence urbaine qui a commencé en juillet 1981 à Vénissieux et qui a atteint son apogée fin 2005. Les premières explications ont maladroitement tenté de mettre en cause pêle-mêle l’influence des chanteurs de rap, de la polygamie, des bandes de délinquants organisées ou encore des milieux islamistes… Fadaises balayées par les Renseignements généraux eux-mêmes qui ont très vite évoqué une dimension totalement spontanée relevant d’aucune structuration idéologique ou organisationnelle pas plus à l’échelle du quartier que du pays. L’aveuglement dont ont fait largement preuve les politiques dans l’identification des causes profondes montre l’absence tant d’une réelle conscience du malaise que d’une véritable volonté d’y changer fondamentalement quelque chose. La violence des jeunes émeutiers apparaît comme une communication par défaut, façon de réagir à un monde qui ne leur offre que l’exclusion, les discriminations et le mépris. Car cette jeunesse, poussée au désespoir par l’impasse à laquelle on la condamne ne semble plus avoir comme seule réponse que de brûler des voitures et attaquer des écoles. Ces émeutes sont le produit d’un processus de ghettoïsation au carrefour de l’exclusion du marché de l’emploi, du logement et du système scolaire. Les 751 zones urbaines sensibles regroupent 4,7 millions d’habitants qui se trouvent parmi les plus confrontés au taux de chômage, à l’absence de mixité sociale, aux handicaps face à l’école, aux problèmes de santé, au sentiment d’enfermement et à l’isolement relationnel. Au final, ces émeutes nous interpellent sur la place faite à une certaine jeunesse et sur son avenir dans notre société.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°840 ■ 10/05/2007