Des garçons et des cirques. Mineurs délinquants en centre éducatif renforcé
Lionel LEROI, éditions du Sextant, 2007
Les centres éducatifs renforcés ont déclenché à leur création méfiance et rejet. Aujourd’hui, ils sont environ 70 à proposer des supports pédagogiques plus ou moins originaux. A l’image de l’association « L’étape » qui a renoncé à des concentrations qui, par expérience, s’avèrent souvent explosives. Leur choix s’est porté sur le placement individuel : chaque adolescent est confié à l’un des douze cirques ambulants partenaires. L’activité y est très physique : montage et démontage des chapiteaux, répétition des numéros, organisation des spectacles, déplacements. Les « familles d’accueil » reçoivent 50 Euros par jour et échangent leur quotidien et leur mode de vie contre le travail du jeune. Elles doivent en outre mettre à sa disposition une caravane. L’association a monté trois structures d’insertion complémentaires : un bateau à Port Louis, un snack aux Deux Alpes et une table d’hôte près de Gardane. Lionel Leroi sait ce qu’est un foyer. Il y a passé sept années de ses 11 ans à ses 18 ans. Après avoir travaillé comme animateur de banlieue, il accepte un poste d’encadrant à l’Etape. Il nous fait ici le récit de son expérience mouvementée. Ils sont 18 à se relayer, à raison de quinze jours par mois. La disponibilité est quasiment de 24 heures sur 24. C’est que la tâche est rude : les salariés tiennent huit mois en moyenne. Dans les deux premières années de fonctionnement, quatre d’entre eux ont été hospitalisés en psychiatrie. Le témoignage de l’auteur nous fait mieux comprendre cette tension. Il y a d’abord le contrôle des conditions d’accueil proposées par les cirques et la gestion des conflits. Il y a ensuite les contacts avec les magistrats et services éducatifs. Il faut parfois traverser la France de toute part, pour aller chercher un ado et l’accompagner à l’audience de son juge (en espérant que celle-ci ne soit pas remise à plus tard). Et puis, il y a les relations avec des jeunes à la recherche de repères que leur famille ne leur a pas donnés et qui cumulent en moyenne sept procédures criminelles. En confrontation potentielle avec le monde des adultes, la confiance quand elle se gagne, ne fonctionne que sur la base de l’autorité et de la contenance. Bien entendu, un tel projet de convient pas à tout le monde. Tous les ados accueillis ne sont pas comme Yvon, arrêté pendant les émeutes de 2005, qui a mis à sac son précédent CER dans le 93. Pourtant, il s’est glissé dans la peau d’un clown, jouant avec les enfants et les invitant à venir sur la scène, entretenant soigneusement son costume. Il n’y en aurait qu’un qui s’en sortirait… L’action engagée fait furieusement penser au tonneau de danaïdes. Elle a néanmoins le mérite d’exister.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°871 ■ 07/02/2008