Rester délinquant. Comprendre le parcours des jeunes récidivistes
DUVANEL Géraldine, Ed. L’Harmattan, 2016, 222 p.
L’expérimentation des pratiques délinquantes est le lot de nombreux jeunes. La récurrence, la chronicité et la récidive transgressives sont beaucoup plus rares. En comprendre les ressorts constitue un précieux outil de prévention. On ne peut se contenter de placer le curseur à mi-chemin entre le sujet seul responsable de ses actes et le mineur victime du contexte sociétal. Le jeune dont l’engagement délictuel perdure se construit un parcours personnel qui constitue l’une des seules manières possibles pour lui d’être au monde. L’univers marginalisé représente alors un espace d’expérimentations positives qui contrecarre l’univers marqué par la conventionalité. Il n’est pas un raté, un rebelle ou un impulsif, mais une star à l’image des vedettes dont les posters ornent les murs de sa chambre. A l’idéal de la réussite scolaire, de l’accès au travail et de l’expérience professionnelle il oppose la réputation, l’apparence et la mise en scène de soi par le verbe et la gestuelle. Sil prend des risques à tenter de quitter cette marge problématique mais attractive, s’impose très vite à lui la spirale de la désillusion. La répétition des ruptures de plus en plus pénibles à supporter et les échecs dévalorisants pour l’image de soi, l’âpreté et la brièveté des reconnaissances dans l’univers délinquant et la désaffiliation envahissante induite renforce sa vulnérabilité, son isolement et son asociabilité. Un ancrage dans le monde ordinaire devient possible dès lors où l’on peut peser sur son sentiment d’inconsidération et d’inexistence. Pour autant, de multiples facteurs freinent, contraignent, poussent, retiennent, soutiennent, effacent, dominent, valorisent, étouffent, menacent et légitiment cette insertion. Ainsi, d’une famille en capacité ou non d’offrir un climat de confiance, de loyauté et de cohésion. Ainsi, du réseau social proposant une constellation de regards approbateurs ou désapprobateurs sur les conduites adoptées (famille élargie, pairs, voisinage…). Ainsi, de l’intégration ou du rejet d’une étiquette stigmatisante collant à la peau et enfermant dans une représentation paralysante. Ainsi, de l’école qui contribue ou non à la construction d’une image positive de soi en proportion du sentiment à la fois de décevoir et d’être laissé pour comptes. Ainsi de la fragilité ou de la fiabilité des soutiens et des béquilles proposées par les institutions sociales. Réussir à contrer l’expérience de non-valeur et de non-désirabilité qui constitue le socle de la récidive et ouvrir sur un repositionnement identitaire: tel est le défi à relever.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1213 ■ 21/09/2017