Avis d’expulsion. Enquête dur l’exploitation de la pauvreté urbaine
DESMOND Mattew, Éd. Lux, 2019, 534 p.
Aux USA, les expulsions locatives étaient rares dans le passé. Elles sont devenues l’un des marqueurs les plus destructeurs de la pauvreté, depuis la crise de 2007. Si un ménage sur sept n’est pas en mesure de payer, c’est que les loyers ont fortement augmenté, alors que les revenus ont stagné. L’engrenage est infernal pour les millions de personnes qui en sont victimes : aussitôt la décision judiciaire prise, le propriétaire peut solliciter le sheriff qui, armé, fait procéder à l’évacuation du logement à l’aide une équipe de déménageurs. Le locataire a alors le choix entre retrouver ses affaires sur le trottoir ou les stocker chez un garde-meuble. Mattew Desmond nous propose un récit impressionniste construit comme une suite de reportages qui alternent la description des locataires victimes et celle des propriétaires. Il nous fait ainsi entrer dans le quotidien de ces familles dont 70% des revenus servent à se loger. Ne réussissant pas à y faire face, elles sont expulsées. Elles sont alors contraintes d’accepter des logements toujours plus insalubres. Quand elles réussissent à en trouver, certains loueurs refusant la présence des enfants ! Il existe bien des logements sociaux. Mais dans certains Etats, comme celui de Washington, les listes d’attente s’étalent sur des décennies. Du côté des propriétaires, certains se sont spécialisés dans la juteuse industrie des locations aux plus démunis, gagnant en un mois ce que leur locataire gagne en un an. Là, comme ailleurs, pourtant, il n’y a aucune fatalité : 67% des locataires pauvres ne bénéficient d’aucune aide fédérale. Combler ce manque représenterait certes une dépense de 40,2 milliards $. Mais, c’est bien moins en comparaison des 171 milliards $ de réduction fiscale concédés chaque année aux propriétaires !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1292 ■ 30/03/2021