Différents. Le genre vu par un primatologue
DE WAAL Franz, Éd. Les Liens qui Libèrent, 2022, 462 p.
Être de culture, l’humain est aussi profondément ancré dans sa nature biologique. Pourtant, que n’a-t-on véhiculé comme mythes éthologiques et ethnologiques, en s’appuyant sur des comparaisons hasardeuses, partielles ou déformées entre primate et humain. Ainsi, les petites filles et les petits garçons comme les petites femelles et mâles singes, à qui on donne le choix, sont spontanément attiré(e)s par les poupées pour les unes et les petites voitures par les autres. C’est là une tendance innée, même si le conditionnement de l’environnement la renforce. Mais, à l’inverse, la plus grande force physique des mâles ne prédispose au patriarcat et la domination ni chez les primates, ni chez les humains, le pouvoir étant lié avant tout à l’âge, au prestige et à l’habileté relationnelle. Et si les Bonobos sont dirigés par des femelles, on trouve des sujets « alphas » au sein des deux sexes partout ailleurs, tout comme la rivalité et l’amour/l’amitié à la vie, à la mort. Alors que ce sont « eux » qui sont le plus doués pour rétablir la paix, ce sont « elles » qui sont les plus habiles dans la prévention des conflits ! La supposée moindre libido attribuée aux femmes ne retrouvent pas d’antériorité chez nos cousins, la multiplication des copulation avec des partenaires différents garantissant leur protection indifférenciée d’une progéniture dont aucun ne peut s’attribuer la paternité. Quant aux relations amicales et amoureuses entre individus de même sexe, elles sont courantes chez les primates, élevant au rang de norme de vie les fraternité et sororité. Les comportements se déployant au sein du monde animal, auquel appartient l’espèce humaine, sont le produit d’une combinaison entre les gènes et l’environnement, entre l’instinct et l’imitation des aînés, entre la programmation héréditaire et l’adaptation à son milieu. Vouloir séparer les deux est aussi absurde que de vouloir distinguer l’action du batteur et celle de sa batterie dans la production du son émis. La biologie et le contexte de vie s’interpénètrent et s’entremêlent, constituant la source de l’évolution du sujet primate ou humain sans qu’on puisse démêler leurs effets. Aussi est-il aussi absurde de nier l’importance des hormones et du sexe biologique que de minimiser la dimension culturelle dans les attitudes genrées. Cet interactionnisme est au cœur de la démonstration de Franz de Waal.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1325 ■ 18/10/2022