Je suis un Pachtoune d’Afghanistan. Récit d’un jeune réfugié
VITTURI Lisa & KHAN ZAZAÏ Nouri, Ed. du Cygne, 2012, 197 p.
Le lecteur curieux de comprendre ce qui motive un enfant à courir mille dangers, pour rejoindre l’Europe, sera particulièrement intéressé par ce livre. C’est grâce à Lisa Vitturi, une assistante sociale qui, après avoir consacré sa carrière à travailler auprès des mineurs isolés étrangers, lui a prêté sa plume, que Nouri Khan Zazaï peut nous proposer le récit captivant et souvent palpitant d’un afghan que rien ne destinait à l’exil. Ce jeune Pachtoune naît dans une région certes rude d’Afghanistan, mais aussi dans l’une des familles les plus aisées de son village, celle qui possède le plus de terres. Il décrit une enfance heureuse, jusqu’à ce que la vendetta, qui règne depuis si longtemps dans sa culture, vienne bousculer son destin. Quand son père est tué à coup de couteau, son frère aîné meurt à son tour, après avoir ôté la vie à ses assassins. Il ne reste plus à la famille endeuillée de ces derniers qu’à s’attaquer à l’enfant mâle le plus âgé qui subsiste. Et c’est Nouri. Sa propre mère, soucieuse de sa survie, l’incite à fuir. Le réseau de passeurs contacté n’agit pas gratuitement : 7.000 € jusqu’en Grèce, puis 7.000 € jusqu’en Angleterre. A chaque étape, la famille reçoit une communication téléphonique de son proche et règle en conséquence la somme convenue. Le périple qui s’engage est parsemé d’embûches : les menaces s’enchaînent aux actes de bravoures, les trahisons aux actes de solidarité. Les circuits sont bien rodés, même si certains n’hésitent pas à kidnapper les candidats au départ pour en tirer, eux aussi, profit. L’arrivée dans la jungle de Calais signe le début des désillusions, les échecs des tentatives pour passer en Angleterre se multipliant. Nouri finira par décider de tenter de rester en France. Ce récit peut se lire selon plusieurs trames. Il y a, d’abord, la plongée dans une société Pachtoune marquée au sceau d’une tradition à la fois singulière et baroque. La description qui en est faite ici est autant fascinante que surréaliste pour un occidental. Seconde trame possible, celle qui nous plonge dans ce monde parallèle de l’exil organisé, qui mêle les trafiquants de migrants et les volontaires à un voyage pouvant s’avérer très dangereux. Pour n’être pas généralisables, les motivations du jeune Pachtoune montrent comment on peut fuir son pays, tout en y restant très attaché. Autre trame encore, le parcours du combattant auquel sont confrontés ces jeunes, pour tenter de s’intégrer. Le pire étant, peut-être, la capacité limitée des lieux d’accueil qui confronte les intervenants sociaux à la terrible obligation de trier parmi tous ces mineurs, en choisissant ceux qu’ils vont pouvoir recueillir et ceux qui seront obligés de dormir dehors, en plein hiver.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1064 ■ 31/05/2012