Former à l’accompagnement des personnes handicapées
NUSS Marcel, Dunod, 2007, 219 p.
Voilà un livre à surtout ne pas manquer. L’auteur, handicapé de naissance, y fait preuve d’une liberté de ton et d’un sens de l’innovation dont bien des acteurs du secteur pourrait s’inspirer. Peu adepte de la langue de bois et des ronds de jambe, Marcel Nuss fera un passage éclair, en 2003, au Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, refusant de servir de faire-valoir. En 2006, il est chargé d’un rapport sur l’accompagnement des personnes « autrement capables ». C’est ce document qui est publié ici. Un chapitre introductif nous fait découvrir les coulisses de sa genèse. Il nous décrit l’état pitoyable des rouages d’une administration psychorigide et technocratique sensée piloter la politique du handicap. La franchise de l’auteur pourrait bien lui fermer les portes ministérielles. Et ce serait bien dommage, car ce qu’il expose et propose, en se revendiquant de l’expertise usagère, est à la fois pertinent et d’un bon sens roboratif, mais aussi d’une finesse d’analyse qui justifie qu’on s’y attarde. Les lois de 1975, explique-t-il, se sont centrées sur la prise en charge des corps et des infirmités spécifiques. L’assistance, qui s’en est suivi, eut pour défaut essentiel de saucissonner la personne en de multiples interventions, dans une logique compassionnelle et de réification humaniste. La loi de 2005 a ouvert la voie à la prise en compte de la personne dans sa dimension à la fois singulière et holistique, cherchant avant tout à valoriser les capacités. L’accompagnement qui en résulte privilégie non plus le « penser et agir pour », mais le « faire avec » : rien ne peut ni de doit plus être réalisé sans la personne concernée. Ces évolutions signent le basculement d’une intervention basée sur une relation asymétrique vers un rapport entre pairs, du moins du point de vue de l’égale dignité et du rang. Mais, toutes ces belles intentions sont loin de s’être concrétisées dans les faits : « soyons-en sûr, le changement des mentalités serra long et fastidieux » (p.31). Marcel Nuss passe en revue toute une série de réformes qui permettraient de favoriser cette concrétisation. Ainsi, de l’adaptation du code du travail qui permettrait aux accompagnants de rester 24 heures auprès des personnes lourdement handicapées et de la revalorisation salariale de ces intervenants, condition indispensable pour favoriser leur motivation et leur compétence. Ainsi, de la délégation de soins permettant à ces mêmes accompagnants de changer une canule, d’administrer un médicament en cas de crise ou de procéder à une aspiration endo-trachéale, autant de gestes qui peuvent s’avérer vitaux. Ainsi, de la création d’une cellule d’urgence permettant un remplacement immédiat, en cas de maladie subite d’un accompagnant habituel. Mais aussi, l’assurance de la présence de ce tiers en cas d’hospitalisation. Le rapport de Marcel Nuss fourmille de suggestions justifiées, utiles et constructives … dont on attend toujours un début d’application.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°948 ■ 05/11/2009