Le syndrome du bocal
PINAULT Claude, édition Buchet-Castel, 2009, 364 p.
Claude Pinault s’en souvient : il avait bien quelques problèmes. Mais, c’était des problèmes de riches ; d’un homme riche de sa bonne santé. Et puis voilà que, vers 4h00 du matin, un oursin se réveille dans le creux de son oreille. La douleur d’une otite lui grésille le tympan. Mais à la souffrance, se rajoute une pénible sensation de perte de contrôle : son corps le quitte, petit à petit. Le diagnostic tombe : syndrome de Guilain-Barré. Nous avons tous une chance sur 100.000 de le contracter. C’est un dérèglement du système immunitaire : les anticorps produits pour combattre une infection se trompent de cible et, au lieu de s’affronter au virus, s’attaquent à la myéline des nerfs, la détruisant progressivement et provoquant une perte de coordination des muscles, jusqu’à la tétraplégie. Pour 10 à 20% des personnes qui en sont atteints, c’est la mort en quelques heures. Pour les autres, la maladie est normalement réversible : une phase d’installation où tout se dégrade, une phase de stabilisation et une phase de récupération qui peut durer un an. Ceux qui survivent, connaissent de terribles épreuves : impression d’être passé à la paille de fer, d’être déchiqueté, de subir des milliers de décharges électriques. La torture est permanente et ne peut être soulagée. L’usage de la morphine cacherait les symptômes, empêchant ainsi de réagir à l’évolution des dérèglements internes. Claude Pinault nous offre un témoignage stupéfiant. La paralysie qui envahit tout jusqu’à la dernière phalange, la perte de la parole, la dépendance totale pour tous les actes de la vie … une invalidité qui frappe en quelques semaines un homme autonome et dynamique. Nous le suivons, pas à pas, le temps que vont durer son hospitalisation, ses soins, sa rééducation … jusqu’à sa guérison. L’occasion de regarder avec les yeux d’un valide ce que peut vivre un malade, dans sa rencontre avec les équipes soignantes, dans sa confrontation aux actes quotidiens d’hygiène, dans la gestion des cocktails d’antalgiques qui ne permettent pas toujours de calmer les attaques carnassières qui déchirent la carne et concassent les os. Les détails les plus infimes prennent une importance considérable comme ces mouches utilisant le corps du malade devenu hyper sensible comme une piste d’atterrissage ou ces commentaires de proches perçus comme humiliant ou déplacés, mais aussi les gestes précis d’infirmiers qui se montrent attentifs. Avec un humour ravageur qui contraste avec le tragique de son vécu, l’auteur nous décrit son calvaire, en ne nous épargnant rien du plus cocasse au plus terrifiant. Lui s’en est sorti. S’il a décidé de rédiger ce récit, c’est pour que son expérience incite à regarder autrement les personnes frappées de handicap : il a été l’un des leurs. Un témoignage à ne pas manquer.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°989 ■ 14/10/2010