Conte et éveil psychique. Itinéraire d’adolescents handicapés
LOMBARDI Edith, éd. L’Harmattan, 2009, 220 p.
Des enfants atteints de handicap mental sont-ils trop déficients pour tirer bénéfice des contes qui pourraient leur être proposés ? Edith Lombardi démontre ici le contraire. Partout et tout le temps, les gamins ont toujours aimé, quelles que soient leurs difficultés, ces récits mythiques et ces histoires qui les plongent, par la pensée et l’imaginaire, dans la confrontation aux épreuves de la rivalité fraternelle, dans la quête de la possession exclusive de l’amour des parents ou dans l’expérience de la déstructuration psychique. L’atelier conte et marionnettes que l’auteure anime avec des adolescents d’IME offre un espace libéré du faire, du savoir et du devoir où chacun peut, dans une atmosphère de confiance et de sécurité, aborder ses amours, ses rêves, ses colères tout autant que les difficultés liées à son handicap. Le déroulement de la séance est toujours le même. Edith Lombardi commence par choisir dans la riche collection de récits dont s’est doté l’humanité, tout au long de sa longue histoire, ceux qui relatent plus particulièrement la question de la différence, le thème de la séparation ou l’énigme des interdits fondateurs. Elle va ensuite raconter cette histoire. Elle ne la lit pas, car ces fictions appartiennent à l’univers de l’oralité et la parole vive et souple permet de s’adapter dans l’instant à son auditoire. Les adolescents reçoivent ce qui est dit, d’une manière qui est propre à chacun. Chaque détail vient vibrer et se prolonger en eux, en s’épaississant d’émotions et d’images qui leur sont spécifiques. Ensuite, les auditeurs sont invités à choisir l’un des personnages du conte et à le fabriquer sous la forme d’une marionnette. Chacun fait ce qu’il veut, comme il le peut, demandant ou non de l’aide. Certains personnages sont créés en peu de temps. D’autres nécessiteront de longs remaniements. Puis, vient le moment d’aller jouer avec la marionnette que l’on a fabriquée derrière le castelet. C’est là l’occasion d’exprimer une libre parole, un libre désir, un libre imaginaire qui permettent d’exprimer en pleine lumière des questions obscures et paralysantes. L’auteur, psychologue clinicienne précise bien que, même si un tel atelier ne peut qu’avoir des effets thérapeutiques (comme toute activité bienveillante produisant un effet de sens), elle n’y mène pas une thérapie à proprement parler qui relève d’un cadre et de modalités toutes autres. Un conte est composé d’un ensemble de signifiants dont chacun peut s’emparer librement. S’il ouvre à un chemin praticable menant à grandir en tant qu’humain, personne ne peut savoir à l’avance les effets que cela va produire. Ce qu’elle illustre longuement dans un ouvrage qui fait une large place aux situations concrètes de son atelier.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°998 ■ 16/12/2010