Handicaps et société dans l’histoire. L’estropié, l’aveugle et le paralytique de l’antiquité aux temps modernes
COLLARD Franck, SAMANA Evelyne et all, L’Harmattan, 2010, 223 p.
La permanence de la présence du handicap à travers l’histoire est liée aux aléas intemporels de l’existence : guerres, affections congénitales, pathologies évolutives, accidents du travail ont toujours existé, produisant leur quota d’invalides. Sauf quand elles étaient exposées à la naissance et ne survivaient pas, la présence de personnes diminuées est attestée de tous temps. Ce qui ne signifie pas que leur sort ait été forcément toujours enviable. L’apitoiement secourable, la compassion ou l’assistance voisinèrent le soupçon d’une malédiction divine ou la suspicion d’une mise en scène, pour vivre aux crochets de la société la dévalorisation. La Grèce antique, associant beauté physique et beauté morale, dévalorisait ceux qui étaient atteint d’un handicap : la perte d’un œil, d’une main ou le fait de boiter atteignant l’honorabilité. Ce qui ne les empêchait pas d’être mobilisés, quand la cité est en danger. La première pension aux invalides tant militaires que civils est conçue par la République d’Athène. A Rome, les citoyens préfèrent cacher leur infirmité. La prise en charge de la lèpre donnera lieu à toutes les solutions intermédiaires, entre la libre circulation et l’enfermement dans des léproseries La civilisation musulmane semble plus bienveillante à l’égard des infirmes, sans que l’on sache mesurer l’application concrète des proclamations théologiques. Le moyen âge européen distingue entre un état transitoire (maladie) et incurable (handicap). Les invalides ne sont pas acceptés dans les premiers hôpitaux, car les charges qu’ils représentent sont permanentes. La littérature est discrète sur leur sort. Seules les pièces de théâtre les font apparaître. Mais on ne sait pas ce que deviennent les blessés et estropiés souvent décrits dans des récits de batailles. Si la solidarité familiale est essentielle, il est fréquent de les voir mendier, pour tenter de survivre. Jusqu’au règne de Louis XIV, les souverains du royaume de France ont oscillé entre quatre politiques : imposer aux abbayes l’entretien des mutilés, les gratifier d’une pension, les affecter à des tâches de gardes passives ou les accueillir dans une institution particulière. Le roi soleil décide, en 1670, de créer à la fois un hôpital et une maison de retraite : ce sera l’Hôtel royal des Invalides. L’établissement pour vieux soldats fonctionne comme une caserne et dispose d’activités manufacturières. Victime de son succès, il restreindra les conditions d’accès, passant de 6 à 20 ans de service actif pour y être admis. Souvent imité à l’étranger, cette création constitue la première immixtion de l’État dans une charité jusque là monopole de l’Église, initiative qui ne cessera ensuite d’essaimer.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1020 ■ 26/05/2011