Autisme, sortir de l’impasse. Du diagnostic à l’inclusion
SANS Pierre, Ed. De Boeck, 2014, 304 p.
L’ouvrage de Pierre Sans, consternera les gardiens du temple. Mais, sa lecture n’en reste pas moins édifiante. Se voulant didactique, avant d’être polémiste, ce psychiatre à la très longue expérience définit ce qu’il est convenu de nommer aujourd’hui les « troubles du spectre autistique », après ce qui fut appelé l’ « autisme » puis les « troubles envahissants du développement », en identifiant une triade : un défaut de communication, des troubles de la socialisation et un attachement à l’immobilité de l’environnement. Cette description, en apparence banale, recouvre une véritable souffrance vécue tant par la personne atteinte de ce syndrome, que par tout son entourage. Deux grandes écoles s’affrontent quant aux modalités de traitement. D’un côté, on trouve la psychanalyse. Jacques Lacan, tout d’abord, qui établit l’origine des psychoses infantiles dans « la forclusion du nom du père » : une mère fusionnelle, surstimulante, intrusive, empêchant son enfant d’entrer dans le registre du symbolique et de la parole. Il faudrait donc la mettre à distance. Les partisans de la théorie du « moi-peau » de Didier Anzieu, ensuite, qui cherchent à ce que l’enfant réinvestisse son enveloppe corporelle. La voie pour l’aider à se distancier de l’angoisse de morcellement et de discontinuité qui l’étreint, serait la pataugeoire ou le packing (enveloppement de linge glacé). De l’autre côté, campe le comportementalisme et ses méthodes ABA, TEACCH et PECS se donnant pour ambition le développement des compétences sociales, grâce respectivement à des renforcements positifs, l’organisation d’un environnement le plus compréhensible possible et des modalités de communication par images et pictogrammes. Entre les uns et les autres, c’est la guerre. Fort des nombreux témoignages reproduits tout au long de son livre, Pierre Sans se montre intransigeant. Même s’il rappelle la place centrale de l’inconscient (il n’a pas exercé dix ans comme psychanalyste libéral, pour rien), il dénonce la banquise des mots stéréotypés, idolâtres et délirants d’une doxa freudienne qui, ayant encore la mainmise sur la pédopsychiatrie, les universités et cabinets ministériels, n’entend pas céder un pouce du pouvoir absolu acquis depuis quarante ans. Mais, l’auteur est tout aussi méfiant face à ces écoles expérimentales utilisant des méthodes pas toujours évaluées scientifiquement. Il reprend à son compte le principe de désinstitutionalisation à l’œuvre dans des pays comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. Il revendique le redéploiement des moyens du dispositif actuel, dans le développement de petits appartements collectifs ou du placement familial, mais tout autant une inclusion scolaire ne pouvant se concrétiser que grâce à la professionnalisation des AVS, l’augmentation du nombre d’enseignants spécialisés, ainsi que la multiplication des classes spécialisées et des SESSAD.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1161 ■ 15/04/2015