Psychopathologie et handicap de l’enfant et de l’adolescent. Approches cliniques
RAYNAULD Jean-Philippe et SCELLES Martine (sous la direction), Ed. érès, 2013, 246 p.
Certaines affections ne peuvent être guéries, quand d’autres sont réversibles. D’autres encore constituent un épisode particulier du développement. Si la fonction de la psychopathologie est bien de le distinguer, ses pratiques sont toujours marquées par l’histoire, résultat de la transaction entre les savoirs des experts et les formes culturelles dans lesquelles elles s’expriment. Le risque persiste donc d’enfermer le patient dans le modèle, la théorie et l’idéologie du moment. Tous les excès ont eu cours, depuis le tout organique au tout relationnel, du tout éducatif au tout psychologique, en passant par le tout rééducatif. Il y a eu l’époque de la psychanalyse qui n’a jamais cherché à résoudre les symptômes, mais s’est centrée sur la subjectivité du sujet, travaillant à étendre le champ des possibles et valorisant le droit d’exister tel qu’on est, en préservant la liberté de rêver et de créer avec ou malgré le handicap. Puis est venu, poussé par des familles ayant du mal à faire le deuil de la déficience de leur enfant, un comportementalisme promettant des progrès s’appuyant sur les marges de manoeuvre possibles. On s’est mis alors à traquer les traces, les indices et les suspicions d’anomalie, pour mieux les diagnostiquer et les traiter. Or, la ligne de partage entre le normal et l’anormal, entre le handicapé et le valide n’est qu’une construction sociale plus ou moins arbitraire. Il y a une infinie variété dans les états du vivant et de l’humain, avec des situations qui font plus ou moins souffrir, des processus plus ou moins invalidants et une vulnérabilité latente. Penser les différences comme une variante de la normalité passe par la reconnaissance d’une appartenance à une commune humanité.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1218 ■ 30/11/2017