Le handicap et ses empreintes culturelles. Variations anthropologiques (3)

GARDOU Charles (sous la direction), Ed. érès, 2017, 322 p.

L’imaginaire a toujours permis de penser ce qui semblait excéder la raison. Chaque culture a élaboré des scénarios venant donner du sens à l’imperfection humaine : ici la colère des Dieux, l’action de génies, d’esprits maléfiques ou d’ancêtres malveillants ; là, le résultat de la transgression d’un tabou, d’une impureté ou d’un acte de sorcellerie. La vingtaine de chercheurs réunis par Charles Gardou nous propose un tour du monde des croyances, mythes et superstitions que chaque culture a incubés pour tenter d’expliquer la différence. En Afrique Subsaharienne, il ne fait pas bon être albinos : les pouvoirs magiques ou malfaisants supposés chez ces êtres humains carencés en mélanine provoquent au mieux des crachats de mépris sur leur passage, au pire des sacrifices rituels ou des dépeçages. En Guinée, les déficiences physiques sont exploitées pour s’adonner à la mendicité, leur mutilation étant considérées comme un capital attirant la charité. En Haïti, quand le traitement médical a échoué à guérir la déficience, la lésion ou le trouble, le dysfonctionnement est traité par la magie ou l’expiation du pêcher supposé être à l’origine du mal. En Pologne, les démons sont réputés enlever les nouveaux-nés de leur berceau et les remplacer par des êtres anormaux, déformés et diaboliques. Plus favorables, en pays Maöri, les invalides de naissance sont affublés d’une dimension sacrée. Seuls les USA ont vu le groupe des disabled (handicapés) s’attaquer à la norme et la performance, en se revendiquant  comme un mode de vie alternatif, une composante de la diversité. De tous temps, les normaux ont refusé d’avoir sous leurs yeux des anormaux révélant leur part d’ombre, préférant esquiver ou nier ce qui pouvait entacher l’idéal et la perfection.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1248 ■ 02/04/2019