EHPAD. Une honte française
PELLETIER Anne-Sophie, Ed. Plon, 2019, 286 p.
Cadre dans le secteur de l’hôtellerie, Anne-Sophie Pelletier fait le choix de s’occuper des anciens en perte d’autonomie. C’est sa manière à elle de rendre hommage à sa grand-mère qu’elle a tant aimée. Elle commence par travailler dans l’aide à domicile. Recrutée sans diplôme, elle acquière la qualification d’AMP. Les portraits qu’elle nous dresse de ces aîné(e)s qu’elle accompagne sont plein de tendresse. L’éthique humanisante qui l’anime l’incite à agir au-delà des limites fixées par son contrat de travail. Perdant cette distance et ce recul pourtant systématiquement prônés dans le secteur de l’aide à la personne, elle n’hésite pas à venir passer noël avec sa famille chez un vieux monsieur esseulé. Des enterrements, elle en suivra dix sept en quatre ans, n’en manquant aucun, ultime témoignage de considération à ces personnes qu’elle a connues. Mais, elle est aussi révoltée par certaines situations insupportables. Quand les protections ne sont changées que le matin et le soir, la personne âgée baignant dans ses excréments le reste de la journée. Quand un vieillard croupit dans un taudis dégoulinant d’humidité dans l‘indifférence générale. Ou quand une famille aisée profite de l’APA attribuée à la grand-mère pour faire nettoyer toute la maison. Anne-Sophie Pelletier pense être moins éprouvées en EHPAD. Elle s’y fait recruter. Elle va y découvrir la course contre la montre, les sous-effectifs de personnels, des stagiaires utilisés pour venir combler la carence de remplaçants, l’absence de respect des rythmes biologiques des résidents. Se sentant coupable, inutile et incapable, elle sombre dans la boisson, avant de se ressaisir dans la lutte. Elle mènera une grève victorieuse de 117 jours dans son EHPAD. Après la publication de son livre de témoignage, elle est élue députée européenne.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1260 ■ 28/10/2019