Chemins croisés. Histoires de rencontres

EYRAUD GARNIER Monique, Éd. La pensée vagabonde, 2019, 189 p.

Cela fait vingt ans que Monique Eyraud Garnier partage ces moments chaque fois uniques avec des enfants polyhandicapés et leurs parents, dans l’IMP où elle travaille comme éducatrice spécialisée. C’est de ces rencontres qu’il est question ici, à travers les mots de l’auteur, ceux des enfants dont elle devine et traduit la communication empêchée, mais aussi ceux de parents qui ont pris leur plume pour confier leur vécu. La justesse et la force de l’écriture sont proportionnelles à l’intensité des expériences émotionnelles vécues. Ne pas accéder à la parole n’exclut pas d’être impatients à exister et être aimés, entendus et compris. En face, il y a une professionnelle en quête d’interprétation qui tâtonne dans la compréhension, tentant de coller au mieux à ce que l’enfant veut exprimer : observer son langage corporel, ses crispations et ses détentes, ces mains tendues et ces visages boudeurs, ces cris et ces regards qui se détournent ; puis renvoyer des mots sur ce qu’on croit avoir déchiffré ; constater enfin un immense sourire ou au contraire une frustration, signe d’une (in)compréhension potentielle … il faut du temps pour que l’un et l’autre s’accordent. Quant aux parents, ils doivent apprendre à faire confiance : comment peuvent-ils laisser leur enfant si vulnérable et être sûrs que l’on saura s’occuper de lui correctement, lui donner de l’amour, le protéger, en prendre soin, le comprendre et répondre à ses besoins complexes ? Il s’agit donc de procéder en douceur et de ne pas aggraver la blessure, au risque de déchirer et de faire vaciller le fragile équilibre familial. Pour se détacher, l’enfant doit commencer par s’approprier le manque, être reconnu dans sa souffrance et, enfin, réussir à se lier à un autre adulte qui deviendra sa figure d’attachement.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1267 ■ 18/02/2020