Dire l’indicible

KORFF-SAUSSE Simone, Éd. érès, 2021, 168 p.

Quarante ans de carrière auprès des plus vulnérables, avec comme fil rouge l’enfant, l’enfant en souffrance et surtout l’enfant qu’on n’écoute pas. L’obsession de Simone Korff-Sausse a toujours été de rendre intéressant ce qui semblait dénué d’intérêt, d’articuler des données en apparences hétérogènes, de penser à rebours, de renverser les perspectives, de prendre le contrepied des idées reçues et de retrouver les traces des expériences traumatiques. C’est pourquoi face l’incohérence, elle chercha toujours à trouver du sens. Elle a accueilli l’inconnu comme une opportunité, car le connu encombre l’esprit et empêche de voir advenir l’inattendu. Elle n’a jamais mesuré la folie à l’aune de la norme, considérant que le psychisme humain n’est pas fait d’une seule pièce, ses différents niveaux alternant ou coexistant. Elle n’a pas réduit la communication au seul langage, en recherchant ses manifestations dans le non-verbal. Elle n’a jamais craint la différence, identifiant le problème bien plutôt dans le risque que constitue la peur de la ressemblance. L’entreprise risquée et spéculative qu’elle a développée toute sa carrière, c’est cette clinique de l’extrême aux frontières de ce qui est pensable, symbolisable, subjectivable et partageable. Au crépuscule de son existence, elle nous livre un message enrichi par les travaux de Freud, Bion, Winnicott, Ferenczi, mais aussi par tout ce que lui ont apporté ses patients.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1326 ■ 01/11/2022