Cent jours à l’hôpital, chronique d’un séjour forcé »

Christine Clerc, Plon, 1994, 304 p.

Christine Clerc est journaliste. Chroniqueuse à RTL et au Figaro Magazine, elle a écrit de nombreux essais politiques. En 1993, elle fait une mauvaise chute de cheval et se retrouve hospitalisée avec huit fractures. C’est le récit de cette expérience de malade dépendante qu’elle nous fait ici.

Certes, l’auteur fait partie de cette élite privilégiée qui lui permet de changer d’hôpital à son gré, de passer en priorité dans certaines consultations, de se faire installer un fax ou des stores dans sa chambre, de se faire prescrire des examens complémentaires, toute chose difficile au commun des mortels sans « relations »...  Mais, au-delà de son statut social, subsiste l’être humain qui porte témoignage des dysfonctionnements du monde hospitalier. Malgré l’adage qui veut que le journaliste parle rarement des trains qui arrivent à l’heure, le tableau dressé ici ne se veut pas que négatif. Des personnalités chaleureuses, humaines et réconfortantes, l’auteur en a rencontrées, et elle leur rend hommage. En fait, les difficultés dont elle parle ne sont pas tant dues à des individualités (même si elles existent) qu’à la logique de tout un système.

C’est d’abord, ce mépris de la personne du malade plus considéré comme un bout de viande que comme un être humain. Entrer dans la chambre sans frapper, surgir sans se présenter, transporter d’un service à l’autre sans aucune information, appliquer un traitement sans prendre la peine d’expliquer constituent le lot quotidien  du monde hospitalier. Tout se passe comme si notre corps et notre santé cessaient de nous appartenir dès lors qu’on franchit le seuil du royaume des médecins.

Et puis, il y a cette douleur méprisée autant que négligée par le corps médical. Après tout n’est-elle pas un élément essentiel de la rédemption dans notre conscience collective ? L’utilisation de calmants et notamment de la morphine (qui traîne encore derrière elle cette tenace  légende de risque toxicomaniaque) relève trop souvent encore du domaine des pionniers. Comment s’étonner, quand on sait que la douleur fait l’objet en sept ans d’études de médecine de deux heures de cours !

N’oublions  pas ce secret médical brandi avec ostentation dès qu’il s’agit de couvrir l’erreur ou la faute professionnelle.

On peut comprendre que pour supporter la souffrance et côtoyer la mort, les personnels sanitaires soient amenés à se blinder. Mais il y a des limites à l’indifférence et à l’insensibilité. Pourquoi choisir de faire mal quand on pourrait l’éviter ? De peur de tomber dans la sensiblerie ? Pourquoi faire attendre des heures durant dans le couloir sur un brancard avant de passer une radio ?

Si depuis quelques années, de fantastiques progrès ont pu être réalisés tant au niveau des équipements techniques que des protocoles de soins, il reste un domaine qui mériterait toute l’attention, celui de l’humanisation.

 

Jacques Trémintin – Juillet 1995 - Non paru