L’insertion du malade mental - Une place pour chacun ou chacun à sa place?

Jean-Paul ARVEILLER et Clément BONNET, Eres, 1994, 172 p.

Les auteurs ont consacré leur ouvrage à la confrontation du concept d'insertion à 8 domaines : le handicap, la chronicité, les soins, la réadaptation, l'accompagnement, l'argent, les associations et les réseaux. Chacune de ces parties est présentée d'une façon très didactique : définition du champ sémantique tout d'abord (ce sont les concepts rencontrés tout au long du chapitre), ensuite un résumé, puis le texte lui-même, enfin, une bibliographie se rapportant au thème abordé.

L'incurabilité du malade mental a toujours été le prétexte à son isolation et à son délaissement. Or, s'il ne peut être éventuellement guérissable, il est toujours soignable. Depuis 2 siècles, nombreux sont les efforts qui ont été faits pour tenter de réinsérer le malade mental à la société.

Mais c'est surtout à partir de 1945, que sous la pression combinée de la psychothérapie institutionnelle (initiée par F. Tosquelles) et d'un certain nombre de soignants de retour des camps, que l'ouverture vers l'extérieur remplace progressivement l'enfermement asilaire. Les équipes de santé travaillant "hors les murs" se heurtent alors aux difficultés sociales auxquelles sont confrontés leurs malades face à la vie "extérieure". L'alternative traitement sanitaire/traitement social, loin d'être perçue comme complémentaire fait l'objet d'une interpellation sur le mode de la compétition. Loin d'une coordination harmonieuse, c'est bien deux dérives qui apparaissent : celle d'une tendance plutôt centrifuge (disparition de la psychiatrie au sein du social), et celle plutôt centripète (psychiatrisation du malaise social). Cela permet de mieux comprendre la véritable levée de bouclier dans le milieu psychiatrique au moment du vote de la loi de 1975. Derrière la crainte de voir le malade stigmatisé dans un statut figeant toute évolution possible, il y eut alors aussi la réaction face à la perte de prérogative du médecin face au malade réintégré dans sa pleine dimension humaine.

Le handicap selon une classification de l'OMS prend en compte d'abord une déficience (maladie ou atteinte psychologique), puis les incapacités physiques ou mentales qu'elle produit. Le troisième élément consiste bien dans le désavantage social qui en constitue les conséquences.

Les auteurs proposent de structurer le processus d'insertion du malade mentale sur ces trois mêmes espaces-temps. Le premier serait d'ordre thérapeutique, c'est celui du soin. Le second correspond à la phase dite de réadaptation au cours de laquelle la préparation à l'autonomie sociale permettrait le rétablissement du lien communautaire. Enfin derrière étape, celle de la réhabilitation proprement dite qui constitue la plongée dans le lien sociétal réel en vue d'une intégration réussie.

Mais quel que soit le dispositif proposé, il convient que le solidarisme étatique laisse sa juste place aux solidarités individuelles de proximité sans lesquelles tout effort de réinsertion risque de mener à l'échec.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°293  ■ 09/02/1995