Voir les lilas refleurir
Vaillant Maryse, Ed. Albin Michel, 2013, 151 p.
Il est particulièrement émouvant de lire ce livre que Maryse eut la lucidité et le courage de terminer, un mois avant de nous quitter. Elle nous laisse là un magnifique témoignage plein d’humanité et d’espoir. Comment réussir à vivre avec ce qui ne guérira pas et qui va devenir de plus en plus envahissant ? Si, pour chacun, le compte à rebours est enclenché, la mort nous touche surtout quand elle concerne nos proches. A l’annonce de son premier cancer, l’auteur explique qu’elle s’est résignée. La mort lui avait fait signe, l’avait invitée au nombre de ses convives, mais ne lui avait pas encore fixé de rendez-vous précis. Elle n’imaginait pas le long chemin fait de traitement, de rémission et de récidives qu’elle allait devoir parcourir. En fait, il s’agissait moins de quitter la vie que de se plier au protocole de soins intensifs. Blessée, couturée, abîmée, elle était sauvée. Puis, les métastases réapparurent. Il lui fallut apprivoiser une vie qui se rétrécissait. Elle savait qu’elle n’en guérirait jamais. Elle en mourrait, si autre chose ne la tuait pas avant. Elle dut supporter les douleurs articulaires, la perte de cheveux, les nausées, les bouffées de chaleur, les vertiges. Si on n’y prend garde, on finit par ne plus vivre qu’à travers les effets secondaires. Se savoir absent de l’avenir de ceux qui vous entourent invite à être proche de leur présent, même si partir avec des promesses et des espoirs permet d’éviter de les voir laminés par la vie. Pour faire face à l’envie d’en finir avec un corps misérable, déformé, douloureux, honteux, et réveiller son âme, il lui fallut faire appel aux ressources les plus profondes. Elle eut la chance de se faire soigner en restant à la maison auprès de siens et en continuant à écrire. S’astreindre au travail quotidien lui permit ne pas laisser la maladie prendre toute sa place, avant qu’elle ne finisse par gagner définitivement.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1136 ■ 06/03/2014