Drogues: sortir de l’impasse. Expérimenter des alternatives à la prohibition
COPPEL Anne et DOUBRE Olivier, La Découverte, 2012, 295 p.
Depuis 1970, la politique menée contre les drogues a été abandonnée à la peur et à la démagogie, affirment les auteurs dans un ouvrage rétrospectif. La stratégie basée sur la prohibition et la répression est en pleine faillite. Jamais, on n’a autant incarcéré pour simple usage : 2.065 emprisonnements en 2010, contre 1.077 en 2001. Mais, jamais la consommation n’a été aussi importante, notre pays passant entre 2007 et 2012 de la troisième à la première place en Europe, pour la prise de produits chez les jeunes. Pas besoin d’aller chercher très loin la raison : quand tous les moyens financiers et humains sont concentrés pour réprimer non le trafic (+ 7 % d’interpellations entre 2002 et 2009), mais la seule consommation (+ 76 % pour la même période), la prévention et la politique de santé publique récupèrent la portion congrue des crédits. Les responsables de cette approche désastreuse ? Une droite, d’abord, arc-boutée sur sa logique sécuritaire qui, au nom de la tolérance zéro, n’aura eu de cesse que de diaboliser le cannabis et accroître répression. Mais, la gauche ne vaut guère mieux : estimant le sujet trop brûlant, elle justifie la guerre à la drogue, que tous les spécialistes reconnaissent pourtant être perdue, comme méritant néanmoins d’être menée. Des quatre coins du monde, pourtant, s’élèvent des voix pour réclamer la fin de la pénalisation considérée comme non seulement totalement inefficace, mais contre-productive, n’ayant comme seul effet que de remplir les prisons : en Grèce la moitié des 11.000 détenus, sur un total de 8.000 places, l’étaient pour infraction à la législation sur les stupéfiants, jusqu’à la modification de la loi. Elle permet, surtout, aux réseaux clandestins de se développer encore plus et à la violence de se déchaîner, alors que le blanchiment de l’argent de la drogue (5% du PIB mondial) a déjà commencé à gangrener l’économie formelle. Mais non, notre pays reste droit dans ses bottes, perpétuant ses choix piteux et dépassés. Nos quarante ans de législation prohibitionniste ne constituent pourtant pas une fatalité qui nous condamnerait à un immobilisme immuable. Pour en sortir, il faut juste le courage politique des dirigeants politiques du Portugal qui, en 2000, ont décidé de décriminaliser la consommation privée des drogues. Tout usage public restant passible de sanction administrative, le contrevenant est convoqué par une commission placée sous l’autorité du ministère de la justice. Composée d’un psychologue, d’un juriste et d’un travailleur social, évalue les risques encourus et oriente vers des services de prise en charge. Rien n’est réglé, sauf que la prévention a pris le pas sur la répression. Avec pour résultats, un nombre d’héroïnomanes diminué de moitié et un taux de consommation dans la jeunesse parmi les plus bas en Europe. A méditer.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1090 ■ 24/01/2013