De la violence et des femmes
Sous la direction de Cécile DAUPHIN et Arlette FARGE, Albin Michel, 1997, 201p.
Comment penser la violence des femmes alors que celle qu’elles subissent est de loin la plus manifeste ? Les onze auteurs de cet essai abordent cette question délicate sans tabous ni misérabilisme. Oui, malgré leur douce nature, les femmes sont violentes. Elles le sont à cause et malgré l’éducation qui inculque très tôt des valeurs de conquête chez le petit garçon qui affiche alors force et audace et des valeurs de modestie chez la petite fille ce qui favorise plutôt chez elle l’expression de la ruse et de la dissimulation. Au cours des siècles, on trouve malgré tout très peu de femmes criminelles. Elles sont meurtrières dans la Grèce antique en tant que mère ou épouse. Les chroniques les repèrent surtout dans les rixes de voisinage ou de marché, chez les convulsionnaires (mystiques retournant la violence contre elles) ou chez les émeutiers. Elles jouent un rôle essentiel lors de la Révolution française, mais ne prendront jamais les armes. En réalité, « du côté de l’extraordinaire et de l’exception se rangent les femmes violentes et du côté de l’ordinaire et de la norme la femme victime » (p.91) Cette position de victime, on la retrouve d’abord dans l’analyse de la délinquance féminine au début et du XXème siècle aux Etats-Unis. Se trouvent alors hors-la-loi les jeunes-filles qui prétendent se libérer de la tutelle familiale : sorties trop tardives, désobéissance, rapports sexuels hors mariage leur vaudront l’ouverture de maisons de redressement. Encore victime, les femmes directement visées par les hordes militaires qui de la guerre d’Espagne à celle de Bosnie en passant par le Rwanda se fixent pour but leur viol systématique, manière à la fois de barbariser et de déshumaniser l’ennemi, de saccager l’honneur et le « bien » des hommes de l’autre camp, et de perpétuer au sein-même de la « race »-maudite sa propre « race ». Mais ce qui confine à l’inimaginable (mais en la matière, il est difficile de hiérarchiser !), c’est bien la description par une anthropologue d’un petit village grec contemporain s’appelant ... « Pouri » ! (authentique). La suprématie de l’homme y est affirmé, sa violence sur les femmes valorisée (ces dernières ont la fierté d’exhiber leurs plaies à la messe le dimanche, symbole de la virilité de leurs maris !). Si la mère est battue dans les cas où elle accouche d’une fille, les enfants ne sont pas mieux lotis : nourrissons frappés pour les faire taire, punitions barbares appliquées couramment (pendaison la tête en bas au-dessus d’un petit feu, enfoncement d’aiguilles à repriser dans les paumes des mains ...).
Vous avez parlé de contrées civilisées ?
Jacques Trémintin – GAVROCHE ■ n°100 ■ mai-août 1998
LIEN SOCIAL ■ n°432 ■ 05/03/1998