Il n’est jamais trop tard pour pardonner à ses parents

Maryse VAILLANT, EDLM, 2001, 254 p.

Etre parent, c’est mettre au monde un enfant, prolonger sa lignée, acquérir un statut, réaliser un rêve ... Mais, ce que chacun fait pour ses enfants, c’est pour lui-même qu’il le fait, pour satisfaire son propre narcissisme. C’est pourquoi être parent, ce doit être, en même temps, renoncer à tout cela pour qu’une petite personne puisse accéder à sa propre vie et construire son propre espace psychique. Etre enfant, c’est accorder à ses parents le droit à l’erreur et assumer leur part de défaillance. C’est faire le deuil du désir de complétude et renoncer à l’image du parent merveilleux. C’est pouvoir reprocher, puis excuser ou absoudre ceux qui n’ont pas été à la hauteur de son affection. La relation  filiale est une histoire d’amour qui se trame sur fond d’injustice et de passion. Aucun enfant n’est assez aimé, respecté, accepté. Aucun amour n’est justement dosé ni équitablement réparti. On aime toujours trop, mal ou pas assez. Les enfants sont injustes et sélectifs dans leur affection. Les parents le sont tout autant. A-t-on pour autant, à leur pardonner ? Il y a, d’un côté celle et ceux qui pensent que nous leur devons tout puisqu’ils nous ont donné la vie : la question, soit ne peut être pensée, soit se pose d’autant moins que le pardon est obligatoire. Et puis, il y a ces adultes qui gardent au fond de leur coeur le vague sentiment d’avoir été mal aimé, mal compris, de ne pas avoir reçu leur part d’affection ou d’estime. Mais aussi, celles et ceux qui portent le lourd fardeau de n’avoir pas été désiré, de n’être pas conforme ou d’avoir bousculé, à leur naissance, un équilibre précaire, ce dont on leur a longtemps fait grief. Sans oublier les victimes de mauvais traitements et d’agressions diverses. Se pose alors la nécessité d’hériter de son histoire sans être condamné à la répéter. Cela passe alors par la capacité à l’identifier et à la prendre en main. Dès lors, à chacun son pardon et ses raisons de l’accorder ou de le refuser. Haïr est légitime et peut constituer un facteur de survie. Pardonner, de son côté, ce n’est pas effacer, annuler ou ignorer ce qui s’est passé. C’est, avant tout, défaire un lien mortifère qui paralyse pour être libre ensuite face à de nouveaux engagements. Le pardon peut être instantané et fulgurant ou traîner tout au long d’une vie en étant l’aboutissement d’un long chemin de réconciliation intime. Mais s’il est admirable d’arriver à dépasser son ressentiment pour pardonner, cette démarche n’a de légitimité que si elle n’escamote pas la souffrance et laisse la place préalable au réquisitoire et à l’inventaire. Mais en tout cas, ce pardon à ses parents n’est en aucun cas un devoir filial : il n’est que le fruit d’une nécessité personnelle ou d’un choix profond. Alors, « après avoir usé sa colère et dépassé les hostilités et les rancunes, celui qui pardonne peut accorder pleinement et sans aucune restriction le pardon dont son cœur est habité » (p.172)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°588 ■ 13/09/2001