Enfants, adolescents maltraités-maltraitants. Comment peuvent-ils s’en sortir?
TISON Brigitte, Chronique Sociale, 2011, 206 p.
Brigitte Tison a décidé de relever un défi bien ambitieux : proposer des repères essentiels dans la problématique de la maltraitance. Et, elle s’en sort fort bien. Elle a réussi à éviter le risque d’être à la fois superficielle (en ne faisant que survoler la question) et désincarnée (en en parlant d’une manière abstraite, par trop détachée). Tout au contraire, son propos est documenté et charpenté théoriquement et se fonde sur une expérience clinique qui transparaît à travers les nombreuses vignettes présentées, tout au long de l’ouvrage. Elle ne s’inscrit dans aucune école particulière, soucieuse de décrire des principales thèses existantes. Elle surfe ainsi avec la même dextérité, sur la notion du bouc émissaire développée par René Girard que sur l’approche biologique qui analyse la maturation neurologique du cerveau de l’enfant ; sur le concept psychanalytique de l’identification à l’agresseur que sur les thèses comportementalistes de Gordon concernant l’éducation à la gestion des conflits. Elle présente la théorie de l’attachement tout comme celle du maintien des liens, en les plaçant en perspective, sans chercher à déterminer une quelconque vérité. Elle expose avec prudence les modalités de recueil de la parole de l’enfant, évoquant la fragilité de son témoignage sans pour autant faire porter sur eux la suspicion que l’affaire d’Outreau est venue induire. Parmi les dispositifs d’aide et d’accompagnement, Brigitte Tison consacre un chapitre étoffé et particulièrement détaillé sur les lignes d’écoute téléphoniques qu’elle connaît fort bien, en tant qu’ancienne écoutant du SNATED (Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger). Commencé par un historique portant sur la maltraitance des enfants, l’ouvrage se termine par toute une partie consacrée aux possibilités pour les enfants victimes de s’en sortir et de ne pas reproduire sur leur propre descendance ce qu’ils ont eux-mêmes subi. La place et le rôle des tuteurs de résilience y sont décrits, articulant avec pertinence la nécessité de préserver à la fois la filiation (en travaillant avec les parents) et l’affiliation (en s’appuyant sur toutes les personnes ressources susceptibles d’aider l’enfant à se structurer). Un livre à conseiller aux lecteurs découvrant la protection de l’enfance, mais aussi ceux qui en ont une connaissance plus approfondie.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1041 ■ 01/12/2011