Un matin de septembre Nathanaël nous a quittés
SAUZET Gérard et Catherine, ed. Publibook, 2013, 252 p.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le lecteur ne doit pas manquer le livre de Gérard et Catherine Sauzet. Ce n’est pas seulement parce que ce récit est profondément poignant, vous saisissant aux tripes et ne vous lâchant plus avant la dernière page. Ici, pourtant, aucune sensiblerie, ni mièvrerie donnant dans un quelconque pathos. Juste un document particulièrement puissant et authentique faisant simplement appel à ce qu’il y a de plus universel : l’empathie. Ce n’est pas non plus uniquement parce que les auteurs sont eux-mêmes travailleurs sociaux et que leur propos va toujours au-delà de la simple émotion et de l’exposé des faits, faisant ressortir le sens et le questionnement propres aux réflexes de la profession. Ce n’est certainement pas exclusivement parce que les sujets abordés sont au cœur de l’action sociale : l’adoption, la maltraitance, les troubles de la personnalité, le suicide, la folie, la psychiatrie, la protection de l’enfance etc… Tant d’autres ont, par ailleurs tant écrit et théorisé sur ces mêmes thèmes. Non, ce qui fait la grande valeur de cet ouvrage, c’est l’incomparable témoignage de deux parents ayant vécu le suicide de leur fils et réussissant, au travers du vécu de leurs blessures et de leur douleur, à retransmettre ce que tant de leurs pairs arrivent si rarement à faire comprendre. Là où tant d’autres se referment sur leur vie brisée, ils parviennent, à métaboliser leur culpabilité, leur impuissance et leur révolte en une réflexion mutualisable pour tout lecteur attentif aux questions abordées. Ces problématiques qu’ils soulèvent sont au croisement des pratiques professionnelles tant de la santé, que de l’éducation ou du social. Faut-il tout dire du passé d’un enfant adoptable aux parents adoptants ? Faut-il continuer à toujours faire porter sur les parents la responsabilité du mal être et de la souffrance de leur enfant ? Faut-il persister à projeter sur des situations complexes des schémas d’interprétation réducteurs, pré établis et plaqués, au risque de ne pas parvenir à écouter et encore moins de réussir à entendre ? Comment accompagner les familles plongées dans la plus grande détresse, face aux passages à l’acte irrépressibles de leurs proches et en bute à des services tant sociaux que médicaux qui ne semblent pas vraiment pouvoir (ou vouloir) jouer leur rôle ? Nous ne rentrerons pas, volontairement, dans les détails des évènements décrits dans cet ouvrage. Tenter de les résumer présenterait le risque de les affadir, de les édulcorer, voir de les banaliser. Il revient au lecteur d’aller les découvrir, au fil des pages, de réagir face aux injustices, de s’indigner de certaines réactions de professionnels, de s’imprégner de la détresse ressentie, de recevoir des coups de poing à l’estomac aux tournants décisifs du drame vécu… non pour s’y enfermer, mais pour se mettre à penser et à réfléchir.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1136 ■ 06/03/2014