L’adolescence et ses “rites” de passage

Joël GENDREAU, Desclée DE BROUWER, 1998, 140 p.

L’auteur nous rappelle les thèses largement admises aujourd’hui d’une adolescence qui n’est ni universelle, ni naturelle et qui naît en tant que classe d’âge au milieu du XIX ème siècle et comme catégorie sociale au début du siècle suivant. Le carnaval qui survivra à la chute de l’ancien régime malgré son interdiction sous la Révolution et la conscription générale qui vient remplacer en 1905 le régime du tirage au sort ont constitué pendant longtemps des rites de passage des jeunes accédant à l’âge adulte. L’évolution contemporaine marquée par l’éclatement familial et l’allongement de la période dite de la jeunesse (puisqu’on parle à présent de post-adolescence voire de jeunes adultes) pose la question de la destinée de ces rites. C’est ce qu’aborde l’auteur en passant en revue quelques uns des comportements adolescents qu’on désigne selon lui bien à tort comme “ rituels ”. L’accès à la sexualité, les pratiques sportives qui concernent le corps ou la souffrance de l’effort sont souvent évoqués comme tel. L’engagement politique ou l’embrigadement dans les sectes aussi pour leur aspect de quête d’identité. Les consommations de drogue ou d’alcool sont aussi répertoriées dans ces mêmes références. On a même attribué au bizutage un sens symbolique alors que cette pratique ne recouvre en réalité qu’une forme d’agrégation par la soumission  et l’humiliation qui faisait dire en 1944 au ministre de l’Education : “ il est inadmissible que certains jeunes français exercent sur leurs camarades des violences qui évoquent irrésistiblement les moeurs du nazisme. ”

Pour l’auteur, un rite de passage concerne toute une classe d’âge qui n’a pas le choix tant l’existence sociale de l’individu est en jeu. Un rite d’initiation se réalise quant à lui avec l’accord de celui qui s’y plie et qui exprime de désir et le choix de recevoir l’initiation. Au-delà de la querelle autour des concepts, Joël Gendreau met en garde contre la confusion qui consiste à désigner comme rite de passage ce qui est en réalité une impasse “ car, à qualifier à tort et à travers de rite de passage des pratiques qui n’en relèvent pas, on rend légitime le non-passage objectif auquel aboutissent ces pratiques. Puisqu’à ’’me droguer’’ je vis un rite de passage, pourquoi est-ce que j’arrêterai et surtout, il me faut inciter d’autres à y passer. ” (p.129)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL  ■ n°462  ■ 12/11/1998